« Le handicap » chez Sembène Ousmane et Djibril Diop Mambéty



Faire jouer des personnes handicapées, lancer un message...une idée commune à Sembene Ousmane et Djibril Diop Mambety. « Cette histoire est un hymne au courage des enfants de la rue écrivait Djibril Diop Mambety à la fin du film La petite vendeuse de soleil . Une phrase symbolique...
Ce que l'on remarque chez Sembene, c'est la récurrence des personnages souffrant de handicap dans ses films. Dans ce sillage, on évoque bien sur Xala ! Un film dans lequel feu Douta Seck joue le rôle d'un aveugle à la tête d'un regroupement de handicapés. Sembene revient dans Guelwaar avec le personnage d'Aloïse. Dans Faat Kiné, Sembene dégage les personnages de Pathé et d'un coursier.
Il y'a eu à peu près deux années d'intervalles entre La petite vendeuse de soleil et  Faat Kiné . Dans ces films, on constate que deux personnages se superposent : celui de Sili Laam ( la petite vendeuse de soleil ) et du handicapé qui travaille sur fauteuil roulant ( Faat Kiné ). La ressemblance est assez profonde. Au delà du fait qu'ils refusent de mendier en travaillant, ils évoluent à peu près dans le même domaine : Silli est vendeuse de journaux.,l’homme sur la chaise est coursier... 
 Extrait de La petite vendeuse de soleil 

Le personnage du coursier - extrait de Faat Kiné 

Il faut noter que dans les films de ces deux grands cinéastes sénégalais, les personnages handicapés sont présentés comme des personnes "fortes" loin de l’image qui les réduit à la mendicité. On constate que le coursier (Faat Kiné) refuse qu'on le prenne pour un mendiant. Djibril Diop Mambety pousse plus loin. Il présente Sili comme une personne qui s'est révoltée, une ancienne mendiante qui a décidé de "briser ses chaines". Elle fit face aux menaces et dispute le marché avec d'autres vendeurs.
Ce que l'on constate aussi c'est le pouvoir que ces deux cinéastes confèrent à ces personnages handicapés. L'exemple parfait est à voir dans Hyènes à travers le personnage de Linguère Ramatou. On peut aussi voir une approche similaire dans Xala et La petite vendeuse de soleil. Dans Xala, El Hadji Abdou Kader Bèye fit un abus de pouvoir en appelant les forces de l'ordre qui déportent des dizaines de handicapés. Nonobstant cette déportation, ils vont revenir avec de manière extraordinaire ! Une revanche est prise : c'est sous une pluie de crachat que l'affront sera lavé pour El Hadji Abdou Kader Bèye. Dans la petite vendeuse de Soleil, un policier véreux a voulu profiter des bénéfices de Sili. La petite fille pleine d'assurance defia le policier. Arrivé au commissariat, l’agent de police est reconnu coupable. Comme dans Xala, victoire est donnée aux personnes handicapées.
 L'héroine Sili face au policier véreux qui l'amène au poste de police - extrait de La petite vendeuse de soleil

Des hommes en tenue en train d'embarquer des handicapés - Extrait Xala

L'idée de fond, c'est bien de montrer une autre facette du handicapé. Montrer qu'ils sont des personnes à part entière et qu'ils font parti de la société. Dans les œuvres de Sembene et Mambety les handicapés sont présentés comme étant invincibles. Ils traversent des moments difficiles mais s'en sortent toujours. Ils travaillent et gagnent leur vie. La petite vendeuse de soleil parait comme un chef d'oeuvre. Mambety a su bien développer ses idées à travers ses personnages. L'entre-aide entre personnes démunies, la solidarité, le travail, la persévérance...des aspects que Sembene a aussi développé.
De nombreux points relient Sembene et Djibril Diop Mambety. Le destin même ! Avant de tirer leur révérence, tous les deux avaient entamé une trilogie en faveur de personnes paraissant faibles dans la société. Djibril Diop Mambety debutait sa trilogie appelée Histoire de petites gens avec Le Franc. La petite vendeuse de soleil est le deuxième élément. Malheureusement, Mambety meurt avant même la parution de ce film. Le dernier point de la trilogie, la casseuse de pierre  ne sera pas réalisé. C'est le même cas pour Sembene Ousmane. Avec Faat Kiné, Sembene débutait sa trilogie en faveur de la Femme. Mooladé sort en 2004. Comme avec Mambety, le dernier point de la trilogie ( La confrerie des rats ) ne sera pas realisé, Sembène meurt en Juin 2007.
Aujourd'hui, de nouveaux cinéastes se sont affirmés. De nouveaux thèmes développés. Mais on peut toujours se retourner et contempler les œuvres de Momar Thiam, Mambety, Sembene etc. Qu'elle fut belle cette époque !

Bathie Samba Diagne, étudiant au département d'histoire – Ucad
Kluivertb1@gmail.com

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