Des constructions, Déconstruction : Histoire de la ville de Dakar...



Aujourd’hui , nous nous intéressons à l’histoire coloniale de la ville de Dakar . Cette ville, point stratégique, fut la capitale de l’Afrique occidentale Française. L’installation des français ne s’est pas faite sans remous. Bien des mutations se sont opérées. C’est l’objet de cette présente étude. Nous allons revenir sur la toponymie , quelques personnalités françaises à qui on a donné des noms de rue et les caractéristiques entre quartiers « indigène » et le Plateau .

La présence Européenne au Sénégal date de plusieurs siècles . Déjà en 1455, Cada Mosto , navigateur portugais rendait visite au Damel du Cayor . Mais après 1848 qui marquait la fin de la traite négrière, une nouvelle réalité vit le jour. La France, pour palier au manque qu’engendre la fin de la Traite décidait de se lancer dans la conquête coloniale. Au début, la présence des français se limitait en grande partie à Gorée mais pour plusieurs raisons, ils s'installèrent à Dakar. Par exemple, l’administration française jugeait nécessaire l’établissement d’une base militaire pour protéger Gorée et les installations françaises. Gorée devenait trop étroite pour contenir le poids démographique . Ainsi donc le 13 Janvier 1857 , le commandant supérieur de Gorée et dépendances , Auguste-Léopold Protet débarque à Dakar . A noter que l’ancien nom de l'actuelle « Place de l’indépendance » fut « la place Protet ». Avec l'arrivée sur Dakar des français et le vœu de s’établir dans la presqu’ile en bandoulière, un problème va se poser . Comment les français vont faire avec les lébous qui habitaient déjà Dakar ? Bien des stratégies vont être menées afin de déguerpir « les indigènes » . Des stratégies assez ambigües pour être expliquées aujourd’hui. Nous y reviendrons dans une étude ultérieurement.

Pinet Laprade, devenu commandant dresse le plan de Dakar qui va essentiellement reposer sur le modèle Haussmanien qui a restructuré Paris sous le second empire. Les « indigènes » , déguerpis , occupaient la Médina . A noter que cette communauté qui habitait jadis le « plateau », organisait des séances de luttes et cérémonies culturelles tels que les simbs , taan beer etc. Cette souche y est restée depuis et fait de Médina une place forte de la culture populaire. Il y a présence de la grande écurie de lutte : Fass, et les grandes familles « guéweul » notamment avec la famille de Mbaye Dièye Faye. Youssou Ndour vient de cette zone. Aujourd'hui, ce brassage peut se lire même dans le rap à travers les sonorités de Eljaz.

TOPONYMIE

Installés , les français développaient Dakar à leur manière et à leur image . Les rues portent le nom d'illustres français. Pendant la période coloniale jusqu’en 1960, seules 3 rues portaient le nom de personnalités africaines : les rues Blaise Diagne , Ambroise Mendy ( adjoint de Diagne ) et El Hadji Malick SY, marabout tidjane. Le reste des noms est attribué à des français qui parfois ont des idées négatives sur « indigènes » . Nous allons nous intéresser à certains de ces personnages :
Jules Ferry ( 1832 – 1893 ) , fut un homme d’Etat français ardent défenseur de la colonisation . Il soutenait « Les colonies sont pour les pays riches un placement de capitaux des plus avantageux.[...] Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures [...] » .
Voyons maintenant avec Sadi Carnot ( 1837 – 1894 ) , qui fut le président de la république française de 1887 à 1894 . La rue Carnot lui fait référence . Avec lui , on note la première exposition coloniale à Paris qui commémore le centenaire de la Révolution française. Tout en célébrant les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, la métropole exhibe des Africains venus des colonies dans des «zoos humains». Et nous terminons avec le célèbre écrivain Victor Hugo ( 1802 -1885 ) il disait dans son discours sur l’Afrique le 18 mai 1879 « Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie… » . On voit bien donc le racisme qui animait certaines de ces personnalités françaises. Des rues de Dakar portent le nom de ces gens là, 60 ans près l'indépendance.
A coté du Plateau où les rues portent des noms, dans le quartier indigène de la Médina , on procède par numérotation des rues ( rue 5 , 7 etc.) . Ce qui marque une réelle césure entre le plateau et le quartier indigène. Sur le plan géographique , l’Avenue Malick Sy sépare le « plateau » et la Médina .

Aujourd’hui , même si on note des changements s'agissant de la toponymie , on note toujours qu'au Plateau, Dakar les noms de rues sont essentiellement français . Est-ce normal pour un pays qui se dit indépendant depuis 1960 ? Heritage coloniale à déconstruire ou une partie de l'histoire à conserver ? C’est avec cette question que nous concluons cette présente étude .

Photo 1 : Palais de la République. Ancien siège du gouverneur français. Ce monument qui résiste au temps parait comme un symbole

Photo 2 : Des danses et des percussions. Moustapha Gueye le célèbre lutteur de l'écurie Fass. La lutte et le tam tam des éléments qui ont été présents durant toute l'existence de la Médina. Comme un symbole, l'Effigie d'El hadi Malick sur sa rame.

Par Bathie Samba Diagne
Etudiant au département d'histoire - Ucad
Bathiesambadiagne1@gmail.com


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