La Françafrique
(Par Bathie Samba Diagne, étudiant au département d'histoire, Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Sénégal)
Kluivertb1@gmail.com
Kluivertb1@gmail.com
Sommaire
Contexte des indépendances
1. Canaux vers la
décolonisation
2. Leaders choisis
3. Qui est Jacques
Foccart ?
Les premières manœuvres 1960- 1970
1. Le choix des hommes
2. L’assassinat de Félix Moumié
3. Interventions hors du giron
Renversement de régimes
1. Les coups d’Etats
2. Le cas de la Guinée
3. La Centrafrique
Les relations France - Afrique 1960 – 1990
1. Les Gaullistes ( 1960 –
1974)
2. Rupture dans la continuité
Les crises
des années 90
3. Cas du Gabon et du Congo
4. Dévaluation du Franc CFA
5. Affaire Elf
Mutations
des rapports de force
1. Robert Bourgi
2. L’épisode ivoirien
3. L’Uranium de Tandja
Bibliographie
Contexte des indépendances
1. Canaux vers la décolonisation
La fin de la deuxième guerre mondiale
marque un tournant dans l’histoire africaine. Un concours de circonstances va
favoriser la marche vers l’indépendance des colonies africaines. Déjà dans la charte
de 1941, l’idée d’une autonomie avait été esquissée. Avec la fin de la deuxième
guerre mondiale et la naissance de l’Onu, l’idée d’octroyer l’autonomie aux
colonies gagne du terrain. Cette démarche va bénéficier d’un appui de poids
provenant des deux grandes superpuissances du monde d’alors : les Etats
Unis et l’URSS qui sont les deux grands vainqueurs de la guerre. En effet, ces
deux mastodontes n’encouragent pas l’entreprise coloniale en Afrique. Coté
africain, beaucoup de choses ont changé. Les africains avaient fait la guerre
aux cotés des européens, bien des choses ont été découvertes. Le mythe qui
entourait le personnage de l’européen était tombé. Les africains regardent
désormais dans les yeux leurs « maitres » et ne s’interdisent plus de
faire valoir leur droit ( Thiaroye). Sur le plan idéologique, les africains ont
aussi épousé certaines notions comme celle de la « liberté ». Une
prise de conscience voit le jour et une poignée d’élite intellectuelle commence
à émerger. L’action des syndicats est aussi à noter. En effet, les syndicats
ont été les premières plateformes de revendications. Dans plusieurs pays, les
syndicats ont été la base de ce qui deviendra après un parti politique. Des
leaders syndicaux émergent et défendent avec virulence leur cause. Dans ce
sillage, le premier exemple est celui de Sékou Touré qui prend son indépendance
dès 1958.
( Général De Gaulle©getty
images )
2. Leaders choisis
Les souvenirs de la guerre
d’Indochine sont proches et la métropole est engagée en Algérie dans une guerre
usante. Il paraissait nécessaire pour la France d’encadrer le processus vers
l’indépendance qui parait inéluctable. Entamée par la 4ème
république, De Gaulle va achever la décolonisation en Afrique qui passe par des
étapes. La loi cadre Gaston Deferre de 1956 segmente les grands ensembles
faisant naitre au passage plusieurs petits Etats voués à dépendre de la France.
En 1958, De Gaulle propose la Communauté à travers un référendum. Seule la
Guinée de Sékou Touré osa la rupture. Dans ce contexte d’avant indépendance, un
choix a été fait. On ne donne pas l’indépendance à n’importe qui. Les hommes
doivent être choisis. Au Cameroun, la France combattait l’Union des populations
du Cameroun ( UPC), le parti le plus influent du pays. Les leaders de ce parti
sont systématiquement traqués et assassinés. Dans ce registre, on a la grande
figure de Ruben Um Nyobe. La France va chercher d’autres interlocuteurs. Dans
un premier temps, André Marie Mbida est choisi avant finalement de porter le
choix sur Ahmadou Ahidjo. Maurice Delauney, un des membres du réseau Foccart
soutient que « c’est l’dministration
coloniale qui a mis Ahidjo en avant » . En Oubangui Chari (Actuel
Centrafrique), après la mort dans des circonstances tragiques de Barthélémy
Boganda, David Dacko est poussé au devant de la scène au détriment d’un certain
Abel Goumba. Au Niger, Djibo Bakary est combattu et fut obligé de se réfugier
au Ghana.
( Djibo Bakary ©getty
images )
Au Congo Brazza, c’est Fulbert Youlou qui est choisi. « La France le préfère à Jean
Félix-Tchicaya, pourfendeur du colonialisme à l’Assemblée nationale où il siège
pendant toute la IVe République, et à Jacques Opangault, président de la
section congolaise de la SFIO et chef du gouvernement jusqu’en 1958. »[1] Même
en Algérie, l’indépendance est donnée à Ben Bella non pas à Boumediène qui
symbolise la radicalité. Ce qui fait qu’au moment de l’indépendance, les
leaders sont dans la grande majorité acquis à la France. Certains comme Léon
Mba se voit même obliger d’accepter l’indépendance qu’offre la France. Même
après les indépendances, ce système va être reconduit : Les leaders
progressistes sautent dès les premières heures qui suivent
l’indépendance : Mamadou Dia en 1962, Sylvanus Olympio en 1963.
3. Qui est Jacques Foccart ?
Gaulliste convaincu, Foccart a une
histoire assez singulière. Selon Pierre Péan son biographe, il serait né en
1913 d’une union entre une prieure du Carmel de Laval, Suzanne Foccart et un
curé de Notre Dame de Béhuaurd, un petit village près d’Angers. Officiellement,
Jacques est le fils de Guillaume Foccart qui est le frère de Suzanne. Jacques
Foccart va devenir commerçant et tient une entreprise d’import export, la Safiex.
Bien que ce passage de sa vie soit caché derrière l’ombre de ses activités en
Afrique, au début de la guerre, Foccart tenait une entreprise qui collaborait
avec les Nazis. C’est en 1943 après un passage en prison qu’il va entrer dans
les rangs de la Résistance. Durant les derniers mois de la guerre, Foccart est
envoyé en Angleterre et rejoint le Bureau central de renseignement et d’action
(B.C.R.A), le service secret de la France Libre. Foccart est initié au métier
d’agent. Cette structure deviendra la base des services secrets français.
( Jacques Foccart ©getty
images)
Sa première rencontre avec De Gaulle
se fera en 1944 à Laval. Deux ans plus tard, De Gaulle quitte le pouvoir.
Foccart sera un des grands acteurs de son retour au pouvoir. Foccart est un
élément clé du Rassemblement du peuple français ( R.P.F), le parti gaulliste.
Jacques Foccart en est le secrétaire général en 1954. Plus tôt, en 1949,
Foccart fut nommé délégué du RPF en Outre mer. Foccart sillonne l’Afrique
francophone en propageant la flamme gaulliste. Il chapeaute le Service d’action
civique ( S.A.C.) une association au service du général de Gaulle puis de ses
successeurs gaullistes, mais souvent qualifiée de police parallèle. En 1958, De
Gaulle revient au pouvoir. Jacques Foccart sera nommé secrétaire général aux
affaires africaines et malgaches.
Jacques foccart avec Houphouet-Boigny
Jacques Foccart à coté de Diori Hamani ( premier président Niger ) qui fait face à Omar Bongo; Houphouet-Boigny au fond ©getty images
Jacques Foccart avec Etienne Eyadema ©getty
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Jacques Foccart derrière Léopold Senghor ©getty
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Jacques Foccart avec Mobutu ©getty
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Les
premières manœuvres 1960- 1970
1. Le choix des hommes
Afin de conserver les anciennes colonies
africaines dans le giron de la France, Foccart met en place des réseaux. Il
s’appuie sur le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage
(Sdece), le service secret Français. Foccart place ses hommes de confiance à
des postes clés. Ainsi, au sein du Sdece, il place Maurice Robert comme chef du
sous-secteur Afrique. Il fait encadrer certains présidents africains. Nous y
reviendrons des lignes qui suivent. Les rapports France-Afrique vont être assez
animés dans la première décennie qui suit les indépendances. Nous allons
revenir sur ces manifestations dans quelques pays :
·
Sénégal
Evoluant dans un bicéphalisme ambigü,
le tandem Senghor-Dia possédait en son sein les germes de sa division. Déjà
entre eux se posait un problème de vision du socialisme. Tant d’autres facteurs
entraient en jeu ( Pour plus de
compréhension, lire Grands d’Afrique – Léopold Senghor ). Les voyages de Dia auprès des pays
de l’Est passaient mal du coté de la France. Le jour de la fameuse crise de
Décembre 1962, Senghor avait déjà négocié avec les autorités françaises.
L’armée française était déjà prête à intervenir au cas où les choses
tourneraient mal pour Senghor[2].
Finalement Dia est renversé. Au lendemain de son départ, du champagne est
célébré a la chambre de commerce de Dakar. Une année plus tard, Senghor
instaure un régime présidentiel fort où ses opposants sont systématiquement
combattus comme Cheikh Anta Diop. Dakar étant une place stratégique, il fallait
le contrôler. Des forces françaises sont installées à Dakar et prêtes à
intervenir comme au Gabon en 1964. Dakar
est aussi le siège où des tentatives de sabotages sont échafaudées. En 1959,
l’opération Persil visant à saboter l’économie guinéenne est construite à
partir de Dakar.[3]
·
Gabon
Avec la perte du pétrole d’Algérie
suite à l’indépendance du pays dans la violence, il fallait à la France trouver
de nouvelles ressources et cela tombe à pic dans un pays où le président
voulait faire de son territoire un département français. Pour la France donc,
on devait protéger Léon Mba que certains appellent ironiquement «
gouverneur noir ».
(Léon Mba saluant De Gaulle. Jacques Foccart en arrière plan ©getty
images)
Des accords militaires sont passés entre le Gabon et la
France. Ces accords ambigus permettaient à la France d’intervenir militairement
dans ses anciennes colonies. L’épisode du putsch de Février 1964 est assez
révélateur de l’ambiguïté de ces accords. Léon Mba président fut un homme
entièrement acquis à la France. Ce dernier s’opposait même aux regroupements
sous régionaux préférant s’allier avec Paris. Etant vieux et malade, Paris
jugeait nécessaire de songer à sa succession. Le profil recherché réside chez
un des proches collaborateurs de Léon Mba : Albert Bernard puis Omar
Bongo. Pour préparer cette succession, il faut un plan. Jacques Foccart suggère
à Mba de modifier la constitution en insérant le poste de vice président. Ce
qui fut fait, Léon Mba reste président du Gabon, Albert Bernard Bongo est vice
président. Avec la mort de Léon Mba en 1967, Bongo devient président et est
appuyé à Paris. Il restera dans cette fonction jusqu’en 2009 date de sa mort
soit 42 années de pouvoir. Omar Bongo restera un des grands acteurs de la
Françafrique comme nous allons le découvrir dans les lignes qui vont suivre.
( Omar Bongo en 1980 ©getty
images )
2. L’assassinat de Félix Moumié
Avant de développer dans ce registre,
il est nécessaire de revenir sur le statu du Cameroun. Le pays est une ancienne
colonie allemande. A la fin de la première guerre mondiale avec la défaite de
l’Allemagne, le pays est placé sous mandat de la S.D.N (société des nations).
Le pays est divisé en deux avec une zone d’influence anglaise (nord ouest) et
le reste du pays sous domination française. Une élite locale éduquée prend vite
conscience de ce statut spécial du Cameroun qui la différencie des autres peuples
colonisés. Les gens se passionnent pour les idéologies et se forment notamment
au sein du Cercle d’études marxistes, lancé à Yaoundé par le syndicaliste
français Gaston Donnat. C’est ici que se moule le leadership syndical qui
portera les idées nationalistes, avant de donner naissance en 1948 à l’Union
des Populations du Cameroun ( UPC). Son credo : l’unification avec la partie
anglophone du Cameroun et l’indépendance, tout de suite. A partir de 1955, la
situation se tend. Pour les nationalistes, les troubles ont été provoqués par
le haut-commissaire Roland Pré, qui cherchait un prétexte pour en découdre avec
les « communistes » de l’UPC. Les manifestants se heurtent aux forces
coloniales. Le 13 juillet 1955, l’UPC et ses organisations annexes sont interdites.
Poussée à la clandestinité, l’UPC se disperse. Ruben Um Nyobé se réfugie dans
sa région natale, tandis que Félix Moumié, Abel Kingué et Ernest Ouandié vont
au Cameroun anglophone avant de s’envoler vers Conakry, Accra ou Le Caire. Une
lutte violente s’organise contre ceux que l’on appelle les maquisards de l’UPC.
Ruben Um Nyobe est assassiné en 1958[4]
mais le parti fonctionne toujours. Entre temps, la France avait placé son homme
à la tête du pays : Ahmadou Ahidjo. Dans cette même lancée, l’idée d’assassiner
le nouveau chef est retenue. Le procédé peut donner matière à un film
hollywodien.
(Ahmadou Ahidjo ©getty
images)
( Félix Moumié ©inconnu )
·
Le
film
L’opération est montée par les
services secrets français en accord avec les autorités du Cameroun. Paul
Aussaresses, ancien membre du service secret français affirme que l’exécuteur
du plan est William Bechtel, membre lui aussi du SDECE, service secret français.
Il s’était adjoint une fille blonde pour exécuter l’opération. Cette dernière
devait taper à l’œil de Moumié. Ce qui sera le cas. Le couple ( Bechtel et la
fille) se fait passer pour des journalistes et invite Moumié à boire un pot, « J’aime beaucoup les boissons françaises,
spécialement le Pernod » dit Moumié. Le pot va se transformer en
diner. Le couple peut donc commencer à exécuter le plan. La fille attire l’attention
de Moumié tandis que Bechtel verse la première dose de poison dans le pernod de
Moumié. Il était décidé cette seule dose afin que l’effet sur Moumié se
manifeste tard et que l’on ne puisse pas relier cette rencontre à la mort de
Moumié. Cependant Moumié semble plus attiré par la discussion que par le verre.
Les plats du diner s’enchainent mais Moumié ne boit toujours pas. Au moment du
fromage, Moumié va aux toilettes. Bechtel en profite pour verser une autre dose
dans le vin. Moumié revient et continue la discussion. Le couple commence à
désespérer. Tout à coup, Moumié vide d’un trait coup sur coup et le verre de
Pernod et le verre de vin. Double dose. Bechtel et la fille se demandent si
Moumié ne va pas tomber devant eux. Quand Moumié remonte à sa chambre, Bechtel
envoi la fille à la réception pour commander un taxi, direction l’aéroport. Le
lendemain, la femme de ménage frappe à la porte de Félix Moumié. Pas de
réponse. Il est découvert très mal en point. Transporté à l’hôpital, il mourra
plus tard. Un juge suisse ordonne une enquête. On apprend que Moumié a diné
avec Bechtel et la fille. Bechtel qui a donné son vrai nom à l’hôtel.
Témoignage d'Ernest Ouandié ( leader de l'UPC qui sera fusillé plus tard) et de la femme de Félix Moumié
3. Interventions hors du giron
·
Soutien
au Katanga sécessionniste
Moins de deux semaines après la
proclamation de l’indépendance du Congo, Moïse Tshombé proclame la sécession du
Katanga. Il faut noter qu’il est un « grand opposant » de Lumumba. Ce 11
juillet 1960, aux alentours de 22h30, c’est d’une voix déterminée où perce une
joie indicible que Moïse Tshombé s’exprime sur les ondes de la Radio-Collège, à
Elisabethville (aujourd’hui Lubumbashi), pour déclarer officiellement
l’indépendance de la riche province minière du Katanga, que son parti contrôle
depuis les élections législatives du moi de mai. Fils d’un homme d’affaires
katangais, Tshombé a fait fortune dans le commerce comme Foccart, avant de se
lancer dans la politique en fondant en 1958 le Conakat, parti indépendantiste
katangais.
( Moise Tshombé ©getty
images)
Il est révolté de voir que la région qu’il dirige doive devenir la
principale pourvoyeuse de fonds au bénéfice de l’État central, il veut aussi
conserver des relations privilégiées avec les Belges. Autant de raisons qui le
poussent à déclarer unilatéralement la sécession et l’indépendance du Katanga.
La sécession katangaise est une occasion en or pour la France. Véritable pilier
industriel du Congo, la province du Katanga regorge de cuivre, de zinc, de
cobalt…La France place ses pions. Dès 1960, le commandement suprême des forces
katangaises est confié à un Français, Roger Trinquier puis Roger Faulques.
Cependant, cette intervention au Katanga va s’avérer infructueuse. Mobutu
appuyé par la CIA vient au pouvoir en 1965 et Moise Tshombé est obligé d’aller
en exil.
·
Biafra
Le vœu d’assurer une indépendance
énergétique va pousser De Gaulle à entrer dans la guerre en adoptant une
position assez ambigüe au départ. Au fil du temps, une réalité se fait jour. La
France est au coté du gouvernement sécessionniste.
( Odumegwu Emeka Odjuku ©getty
images)
La guerre du Biafra est une guerre
civile au Nigeria qui s'est déroulée de 1967 à 1970. Elle fut déclenchée par la
sécession de la région orientale du Nigeria, qui s'autoproclame République du
Biafra sous la direction du colonel Odjukwu. Il faut noter que le Biafra est
une région très riche possédant des puits de pétrole. La France va déployer une
stratégie bien élaborée durant ce conflit. Cela débute par la reconnaissance de
l’indépendance du Biafra par la Cote d’Ivoire et le Gabon, Houphouet-Boigny et
Bongo, deux grands alliés de Paris. Plus tard, les autorités françaises
voudront sensibiliser l’opinion au bien fondé de leur intervention au Biafra.
Elles demandent aux médias d’employer le terme « génocide » comme le
soutien Maurice Delauney. Le journal « Le Monde » est le premier à
l’employer. Voulant toujours profiter du pétrole Biafrais, la France fournit
des armes au Biafra et entraine des officiers Biafrais. Le point stratégique
est le Gabon. Les armes achetées en Europe transitent vers Libreville avant de
gagner le Biafra. Libreville un point proche de la région sécessionniste. Le Gabon
fournit aussi le terrain d’entrainement. Pendant que cela se fait, le président
Bongo détourne le regard. Ce choix d’aider le gouvernement biafrais va s’avérer
infructueux d’autant plus que le gouvernement fédéral du Nigéria va reprendre
la région.
·
Le
génocide Rwandais
(Lire dans Grands d’Afrique
– Juvénal Habyarimana)
Renversement
de régimes
1. Les coups d’Etats
Mettre les bons hommes nécessite un
choix. Tourner le regard lorsqu’un coup d’Etat est commis, appuyer des putschistes,
remettre en place un président, opérer un coup d’Etat…tant de postures que la
France a prises pour mettre la main sur ses anciennes colonies.
Dès Janvier 1963, des anciens militaires
de la Coloniale prennent la décision de renverser Sylvanus Olympio au Togo. Il
faut noter que ce dernier commençait à prendre ses distances avec Paris. La
nature des putschistes et la posture d’Olympio peuvent laisser penser à une
éventuelle implication de Paris dans ce putsch. Cependant, le fait le plus
significatif relève d’une comparaison entre deux pays qui vivent une situation
quasi identique. En Aout 1963 au Congo Brazza, l’Abbé Fulbert Youlou subit une
vague de contestation qui abouti aux « trois glorieuses » qui fait
référence aux 3 jours de soulèvement ayant conduit à sa chute. Dans son palais,
alors que les militaires veulent sa démission, Youlou tente de joindre Paris,
peine perdue. L’abbé qui commande ses soutanes chez Dior est débarqué par Paris
qui tourne le regard. Une année plus tard, en Février 1964, au Gabon se produit
la même situation à des différences près. Là Léon Mba est renversé par des
officiers de son armée, il est amené à Lambaréné. Une bonne partie de ses
collaborateurs est arrêtée. Les militaires choisissent de nommer comme nouveau
chef de l’Etat Jean Hilaire Aubame. Alors que le putsch parait réussi, Paris
s’active. Le lendemain, des forces françaises entrent en territoire gabonais
pour libérer Léon Mba sous le couvert des accords militaires. Pour Paris et
Foccart, il était hors de question que Léon Mba parte, lui qui assure les intérêts
français dans un pays riche en ressources.
Apres cela, Paris va encadrer Léon
Mba. Bob Maloubier va assurer la sécurité alors que Maurice Robert, homme de
Foccart est placé comme ambassadeur.
Réaction de Léon Mba après cet épisode
2. Le cas de la Guinée
« Nous avons, quant à nous, un premier et indispensable besoin, celui de
notre dignité. Or, il n'y a pas de dignité sans liberté, car tout
assujettissement, toute contrainte imposée et subie dégrade celui sur qui elle
pèse, lui retire une part de sa qualité d'Homme et en fait arbitrairement un
être inférieur. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans
l'esclavage. » Ces
mots prononcés le 25 Aout 1958 par Sékou Toure à Conakry rendent le général De
Gaulle hors de lui. Il quitte la salle en oubliant même son Képi. Ce
comportement de Sékou Touré ne peut rester impuni.
(Sekou Touré ©getty
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Des stratégies voient le
jour. Maurice Robert soutient : « Nous
devions déstabiliser Sékou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et
faciliter la prise du pouvoir par l’opposition. Avec l’aide d’exilés guinéens
réfugiés au Sénégal, nous avons aussi organisé des maquis d’opposition dans le
Fouta-Djalon. L’encadrement était assuré par des experts français en opérations
clandestines. Nous avons armé et entraîné ces opposants guinéens, dont beaucoup
étaient des Peuls, pour qu’ils développent un climat d’insécurité en Guinée et,
si possible, qu’ils renversent Sékou Touré. (…) Parmi ces actions de
déstabilisation, je peux citer l’opération « Persil », par exemple, qui a
consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de
banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie. »[5] . Dans
un contexte de guerre froide, Sékou Touré avait opéré un rapprochement avec des
pays de l’Est. Ce qui fait que le
renverser a été toujours sur le tableau de bord de Foccart. Outre l’opération Persil, il y a eu l’opération Mar Verde en
Novembre 1970. Lisbonne tente de renverser Sékou Touré qui offrait une arrière
base au P.A.I.G.C d’Amilcar Cabral. Cependant avec l’arrivée de Giscard
d’Estaing qui marque la fin du pouvoir des gaullistes, les rapports entre la
Guinée et la France deviennent plus calmes.
3. La Centrafrique
Avec la mort tragique de Barthélemy
Boganda, la France favorise l’arrivée au pouvoir d’un francophile convaincu au
détriment d’Abel Goumba. David Dacko est le premier président de la république
Centrafricaine. Il dira ceci le jour de la proclamation de l’indépendance
« … ». Au pouvoir, la démarche de David Dacko commence à déplaire à
Paris au fil du temps. Pour tenter de renflouer les caisses, Bangui négocie
dans le plus grand secret un rapprochement avec Pékin. Le 29 septembre 1964, à
l’occasion de la signature d’accords de coopération sino-centrafricains, le
vice-ministre chinois du Commerce extérieur Lu Nsu Chang annonce
l’établissement prochain de relations diplomatiques. Paris voit de mauvais œil
ce rapprochement dans un contexte de guerre froide. C’est ainsi que Paris
laisse faire le coup d’Etat contre Dacko contrairement au Gabon. L’auteur est
un ancien de la Coloniale et un grand francophile, ce qui ne déplait pas à
Paris : Jean Bedel Bokassa.
·
Jean
Bedel Bokassa
Jean Bedel Bokassa fut le 2e
président de la République Centrafricaine, aussi empereur de Centrafrique. Il
fait parti du grand lot de militaires africains qui servaient dans l'armée
française avant d'être reversés dans l'armée de leur pays à l’indépendance. Et
ils sont nombreux à commettre des coup d'Etat comme Sangoulé Lamizana ( Haute
volta - actuel Burkina ) , Marien Ngouabi ( Congo Brazza ) etc. Promu colonel
en 1962, il est nommé conseiller militaire du président Dacko (1962-1964), puis
chef d’état-major de la Défense nationale (1964-1966).
Bokassa vient au pouvoir un 31
Décembre 1965 . Le lendemain, Jacques Foccart rend compte à De Gaulle en ces
termes : « Bokassa a pris le
pouvoir ; Bokassa est un officier que je connais bien, il est très francophile.
Il avait des démêlés personnels avec Dacko et il a dû penser que c’était lui ou
Dacko. Il a alors couru le risque de prendre le pouvoir. »
( Bokassa sous le portrait de Napoléon ©getty
images)
Bokassa au pouvoir installe un régime
policier. De jour en jour, ses ambitions grandissent. David Dacko qui est aussi son cousin disait que Bokassa
lui avait dit qu'il a fait de son pays un empire car sa famille descendait
d'une grande lignée , celle des pharaons d'Égypte . Il faut aussi noter que
c'est un grand admirateur de l'empereur Français Napoléon. Ainsi donc, il va se
faire couronner empereur , la cérémonie est calquée sur celle de Napoléon .
Tout le monde regarde le spectacle qui se joue. Une cérémonie très fastueuse
avec l'ostentation d'un luxe qui tranche bien avec la pauvreté des
centrafricains. La France participe à la cérémonie et assiste le dictateur. Ce
couronnement impérial est du reste très mal perçu par les piliers du pré carré français que sont Félix Houphouët-Boigny, Omar
Bongo et Mobutu Sese Seko...
( L'empereur Bokassa ©getty
images )
L’année 1979 est celle de la déchéance de Bokassa
: sa déposition est actée au sommet France-Afrique de Kigali qui mandate une
commission d’enquête suite à l’accusation de massacres de civils (notamment des
écoliers) à Bangui en janvier et en avril. Le service « Action » du SDECE est
sollicité pour préparer le renversement de l’empereur au prix d’un coup d’État
: l’opération « Caban ». Le choix s’arrête finalement sur la restauration du
président Dacko qui, sitôt retrouvé son fauteuil présidentiel, devra demander
l’intervention des forces parachutistes françaises au nom des accords secrets
de défense signés en 1960 (opération « Barracuda ») conférant ainsi une surface
officielle à cette double opération. De concomitants, les deux volets « Caban »
et « Barracuda » en viennent à se télescoper le 21 septembre 1979. Alors que se
met en place une opération de diabolisation consistant à présenter l’empereur
déchu comme l’« ogre de Berengo » (il est notamment accusé de cannibalisme),
Valéry Giscard d’Estaing ne gagne pas de crédit politique à cette affaire, au
contraire : la rumeur court rapidement que l’opération cache en réalité le «
casse des archives de Berengo », c’est-à-dire le séquestre par les hommes du
service « Action » de papiers compromettants pour Giscard et conservés à
Berengo. C’est dans ce contexte qu’est publié l’article du Canard enchaîné.
C’est l’affaire des diamants. Ulcéré de la manière dont il a été lâché par
Paris et son 《 ami 》Valérie
Giscard d'Estaing, le président français, Bokassa sort les cafards pour lui
faire mouche. Il révèle avoir offert des diamants et objets de grande valeur au
président français et fait des révélations. Il se vantera après d'avoir fait
perdre l'élection présidentielle à celui ci en 1981. En 1986, bien que condamné
par contumace , Bokassa rentre au pays et est jugé notamment pour cannibalisme
. Il sera en premier temps condamné à la peine de mort mais comme Moussa Traoré
, avec le temps ses peines sont commuées . C'est ainsi qu’André Kolingba
l'amnistie en 1993 peu avant de perdre le pouvoir devant Ange Felix Patassé qui
avait organisé le sacre de Bokassa en tant que premier ministre. Jean Bedel
Bokassa meurt en 1996, d'un arrêt cardiaque.
Les
relations France - Afrique 1960 – 1990
1. Les Gaullistes ( 1960 – 1974)
De nombreux présidents sont passés à
l’Elysée nonobstant cela, la ligne de conduite a toujours été suivie par les
« monsieur Afrique » à des variations près. Cela débute avec le très
influent Jacques Foccart. Il fut un des proches collaborateurs de De Gaulle. Il
va cheminer aussi avec les présidents gaullistes qui viendront après. Foccart,
c’est des réseaux tissés entre la France et l’Afrique. Il plaçait ses hommes à
des postes clés et encadrait les présidents africains qui en avaient besoin.
Ainsi, après le putsch de Février 1964, Foccart charge Bob Maloubier d’assurer
la sécurité de Léon Mba alors que Maurice Robert, est placé comme ambassadeur à
Libreville. Avant cela même, Foccart avait chargé Jacques Pigot d’encadrer Léon
Mba. Les ministres passaient même par lui avant de voir le président. Toujours
dans les réseaux, Foccart nommait Maurice Robert chef du secteur Afrique du SDECE, le service
secret français, ce qui permettait à Foccart d’être très informé.
Avec la démission du général De
Gaulle, Georges Pompidou devient président de la République. Il est gaulliste.
En cette période l’image de Foccart est écornée par l’Affaire de la commode à Foccart : un
dispositif d’écoute dans l’Elysée a été découvert. Cependant, certains
présidents africains demandent à Pompidou de reconduire Foccart qui entretient
de bonnes relations avec eux : Ahidjo, Tombalbaye, Boigny etc. Ainsi
Foccart continue d’être le « monsieur Afrique ». Après le décès de
Pompidou au pouvoir, le camp gaulliste se déchire. Avec la victoire de Valéry
Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1974, les gaullistes perdent
la présidence de la République. C'est en quelque sorte une « petite alternance
» qui se réalise, le pouvoir étant désormais exercé par celui qui n'était
jusque-là qu'un partenaire minoritaire et parfois critique dans la coalition au
pouvoir.
2. Rupture dans la continuité
Foccart est renvoyé cependant on est
toujours dans le même sillage. René Journiac devient le nouveau Monsieur
Afrique.
( René Journiac ©getty
images)
Journiac fut un adjoint de Foccart et un proche collaborateur. La
démarche de Foccart est toujours suivie comme l’atteste cet épisode au
Bénin : Le 16 Janvier 1977, Bob Denard le célèbre mercenaire français avec
ses hommes entre au Bénin pour renverser le marxiste Mathieu Kerekou. C’est
« l’opération crevette » qui va se solder par un échec.
Une démarche qui rappelle bien celles de Foccart qui n’hésitait pas à renverser un régime. Cependant René Journiac périt en 1980 au Cameroun dans un accident d’avion. Martin Kirsch le remplace pour une année le temps que « l’affaire des diamants » fasse perdre les élections à Giscard d’Estaing.
Une du Journal Jeune Afrique du 28 Janvier 1977
Une démarche qui rappelle bien celles de Foccart qui n’hésitait pas à renverser un régime. Cependant René Journiac périt en 1980 au Cameroun dans un accident d’avion. Martin Kirsch le remplace pour une année le temps que « l’affaire des diamants » fasse perdre les élections à Giscard d’Estaing.
En 1981, la gauche est au pouvoir,
Mitterrand est président de la République. Son arrivée est synonyme d’un léger
changement. Il nomme Jean Pierre Cot ministre délégué chargé de la coopération
et du développement de 1981 à 1982. Maurice Robert est renvoyé du Gabon. Une
démarche qui montre bien une nouvelle vision sur les rapports françafricaines. Mitterrand
nomme aussi Guy Penne comme conseiller pour les affaires africaines, avec pour
mission de maintenir de bons rapports avec les dirigeants africains. Cependant,
une certaine continuité existe. En effet avant son départ Valéry Giscard
d’Estaing intima à ses ministres de ne pas entretenir de rapports avec les
nouveaux. Tous sauf Martin Kirsch qui était son monsieur Afrique. Aussi Guy
Penne entretenait des contacts avec Foccart aussi. Penne, franc-maçon,
partageait aussi le même réseau avec certains présidents africains.
( Guy Penne en 1984 ©getty
images)
En 1986, c’est la cohabitation entre Mitterrand
et Chirac. Mitterrand à l’Elysée, Chirac à Matignon. Entre temps, Guy Penne
nommé sénateur laisse sa place libre. Mitterrand nomme son fils Jean Christophe
au poste de monsieur Afrique de l’Elysée pendant ce temps, Chirac, gaulliste,
rappelle Foccart à Matignon.
(Jacques Foccart - Houphouet Boigny et Jacques Chirac )
Jean Christophe Mitterrand peine à assoir sa
politique face à un Foccart qui conserve toujours de bonnes relations avec
certains de ses anciens collaborateurs qui sont toujours au pouvoir. Cette
dualité se manifeste au sommet de la Francophonie de Lomé en 1986. En 1988, Mitterrand
réélut pour un 2ème septennat reprend la main.
Les crises
des années 90
La fin de la guerre froide amène une
nouvelle situation en Afrique. C’est la fin de la mission de la France comme
gendarme contre le communisme en Afrique. Du même coup, la France perd le
monopole sur le marché économique. Le président Mitterrand s’adapte à la
circonstance et anticipe sur un processus de démocratisation qui se manifeste
déjà au Mali : c’est le discours de la Baule. Cette période ouvre l’ère
des conférences nationales.
1. Cas du Gabon et du Congo
Au Gabon, en Mai 1990, le décès dans
des circonstances floues de l’opposant Joseph Rendjambé déclenche une vague
d’émeutes. Le peuple tient pour responsable Omar Bongo et attaque les
installations d’Elf à Port-Gentil. Des employés d’Elf sont pris à partie. Loïk
Le Floch-Prigent, le PDG d’ELF ferme les usines. Bongo est dépassé par la
révolte. Paris envisage de le lâcher. Omar Bongo menace de s’allier aux
américains si Elf ne rouvre pas. La manœuvre va marcher. Les français
interviennent militairement, Bongo reprend la situation.
Au Congo Brazza, suite à la Conférence
Nationale, Denis Sassou Nguesso doit quitter le pouvoir. Des élections
présidentielles doivent êtree organisées et Nguesso n’est pas sûr de gagner.
Pour la France, il faut conserver cet homme à sa place. ELF fait de bons
profits dans ce pays. Pour maintenir Denis Sassou Nguesso, un deal est fait.
Pascal Lissouba, ancien premier ministre se présente aux élections, s’il gagne,
il remet les hommes de Sassou Nguesso ce qui fera qu’il continuera à diriger.
Elf aide Lissouba dans sa campagne. Il dira
« ils m’aidaient sous les instructions de Bongo ». Cependant, une fois au pouvoir, Lissouba
rompt l’accord et entend gagner les élections législatives pour assoir son
pouvoir. Cependant, Il a besoin d’argent pour payer les fonctionnaires et
financer sa campagne. Lissouba sollicite l’aide d’Elf qui refuse. Il signe
alors un accord avec une compagnie américaine. Elle lui prête 150 millions de
dollars garantie par 10 années de production pétrolière. Avec ces fonds, il
gagne les élections législatives. De son coté, Denis Sassou Nguesso engage la
guerre. De 1993 à 1997, c’est la guerre entre Lissouba et Sassou Nguesso appuyé
par l’Angola et la France. Le dernier nommé gagne finalement la guerre. Sassou
Nguesso revient au pouvoir mais il montre que c’est lui qui mène le jeu
maintenant. Comme Bongo au Gabon
2. Dévaluation du Franc CFA
Ce 11 Janvier 1994, à Dakar, Antoine
Ntsimi, ministre camerounais des Finances, visage grave et creusé par la
fatigue, lit un communiqué annonçant la décision des quatorze chefs d’État et
de gouvernement de la zone Uemoa et Beac de « modifier la parité franc CFA ». Cent
F CFA ne valent plus que 1 franc français, contre 2 auparavant. Du jour au
lendemain, des millions de foyers voient alors leur pouvoir d’achat
s’effondrer, ressentant cette mesure comme un coup de poignard dans le dos
asséné par l’ancien colonisateur. Paris a-t-il forcé la main aux dirigeants du
continent ? Certes, les conseillers Afrique de l’Élysée de l’époque, Jacques
Foccart et Fernand Wibaux, y étaient opposés mais personne au sein des
gouvernements Bérégovoy, puis Balladur, ne pensait pouvoir faire l’économie
d’une telle mesure. Après des mois de rumeurs et d’hésitation, « il n’y avait plus d’argent, tout le monde
retirait ses capitaux… la zone était exsangue », rappelle l’économiste
Jean-Michel Severino, directeur de développement du ministre de la Coopération,
Michel Roussin, au moment des faits. «
Avec nos partenaires africains, nous y travaillions depuis longtemps, poursuit
ce témoin privilégié, mais jusqu’alors, jamais il n’y avait eu consensus. Ça a
été un processus complexe, avec de nombreux soubresauts. » L’événement sera
qualifié « d’historique » par Roussin : « Il y a eu la colonisation, la
loi-cadre, les indépendances, et la dévaluation. »
3. Affaire Elf
Au départ, ce fut une enquête de
routine de la commission des opérations boursières. Elle s’intéresse sur le
financement d’une grande société textile cotée en bourse : la société Bidermann.
Le dossier atterrit sur le bureau du juge d’instruction Eva Joly. Il a été
découvert une importante participation d’Elf dans cette société. Il faut noter
que la société était déjà en difficulté. Cependant c’est une dualité qui va
susciter ce qui sera l’affaire Elf. Une dualité au sommet de l’Etat français
entre Edouard Balladur et Jacques
Chirac.
28 mars 1993. La gauche est laminée
aux élections législatives. La France entre en cohabitation. En toute logique,
François Mitterrand devrait nommer Jacques Chirac, alors président du RPR, au
poste de Premier ministre. Mais le maire de Paris a été échaudé par sa deuxième
expérience à Matignon, qui s’est conclu en 1988 par une lourde défaite à
l’élection présidentielle. Pas question de retomber dans le piège. Pour
conserver ses chances d’entrer à l’Elysée en 1995, il conclut un pacte avec
Edouard Balladur, son "ami de trente ans". A Balladur Matignon, à
Chirac l’Elysée, deux ans plus tard. Mais l’attelage cahote. Grisé par des
sondages flatteurs, le nouveau Premier ministre rêve d’un destin présidentiel.
Les médias apprécient son discours réformateur. A la fin d’une entrevue avec
Chirac, la rupture est consommée. Balladur veut étaler son emprise sur Elf, il
demande à Mitterrand de remplacer Loïk Le Floch-Prigent avec Philippe Jaffré.
Entre temps, l’affaire Bidermann commence à faire des ravages et pour se
protéger des éventuelles conséquences, Jaffré porte plainte contre son
prédécesseur. Ce qui involontairement va mettre le feu aux poudres. Des
découvertes sont faites. Ainsi, selon la juge d’instruction Eva Joly, entre
1989 et 1992, l’équipe dirigeante avait détourné 6 mois de bénéfices environ
450 millions d’Euros. Des fonds secrets étaient alimentés. Il y’avait aussi
l’argent versé directement au chef de l’Etat qui est libre de l’utiliser comme
il veut. C’est ainsi que pour limiter la casse, l’idée de liquider Elf est
retenue. En 2000, Elf est absorbé par sa petite concurrente : Total.
Mutations
des rapports de force
1. Robert Bourgi
Né à Dakar en 1945, Robert Bourgi est
le fils d’un ami de Foccart. Avocat, il entretiendra des liens forts avec
Jacques Foccart. En 1995, quand Chirac rappelle Foccart âgé alors, Bourgi
devient « les jambes et les bras de monsieur Foccart »[6].
Au début des années 1980 déjà, Foccart le présentait alors aux dirigeants
français et africains. Bourgi va tisser des liens avec beaucoup de présidents
africains. Il devient un intermédiaire entre les présidents français et
africains et effectue pas mal de missions. Par exemple en 2002, après avoir
gagné les élections, Chirac demande conseil à Bongo sur le choix des ministres.
Bourgi est commissionné. Sur les 7 noms que Bongo avait désignés, 5 sont
choisis. Robert Bourgi est très influent dans les sphères politiques. « Je suis le seul à Paris qui peut
dire à un ministre africain sans qu'il en prenne ombrage: 'Tu m'emmerdes, sale
nègre! », affirmait-il à Libération en 2009. Farouche défenseur de la
Françafrique, il n'hésite pas à faire tomber les têtes de ceux qui ne possèdent
pas la même vision que lui. En 2009, il expliquait, sur l'antenne d'RTL: « Je suis allé voir le Président de la
République à l’Elysée en présence de M. Guéant, et je lui ai passé le message
ferme et voilé de menaces du Président Bongo. Et il m’a dit: écoute, dis à
Omar, comme il l’appelle, et aux autres chefs d’Etat que M. Bockel partira
bientôt et sera remplacé par un de mes amis, un ami de M. Guéant. Il m’a donné
le nom en me demandant de le garder pour moi. Et il m’a dit aussi, c’est
important: ce nouveau ministre prendra ton attache, ne sois pas étonné et
quelque part, tu l’initieras à l’Afrique ».
Ce sera Alain Joyandet qui héritera
du poste. Il confirme et raconte au Monde que Robert Bourgi se permettait
d'entrer dans la pièce, sans frapper, lorsqu'il s'entretenait avec des chefs
d'Etat africain. En septembre 2011, Robert Bourgi décide de trahir Jacques
Chirac et Dominique de Villepin. Ce dernier fait ainsi des révélations
fracassantes au Journal du Dimanche sur sa participation à des financements
occultes, "estimés à 20 millions de dollars", entre 1997 et 2005. « Pendant trente ans, Jacques Foccart a
été en charge, entre autres choses, des transferts de fonds entre les chefs
d'Etat africains et Jacques Chirac. Moi-même, j'ai participé à plusieurs
remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris. (...)
Il prenait le sac et se dirigeait vers le meuble vitré au fond de son bureau,
et rangeait lui-même les liasses. Il n’y avait jamais moins de 5 millions de
francs. Cela pouvait aller jusqu’à 15 millions. Je me souviens de la première
remise de fonds en présence de Villepin. L’argent venait du maréchal Mobutu,
président du Zaïre. C’était en 1995. Il m’avait confié 10 millions de francs
que Jacques Foccart est allé remettre à Chirac ». Bourgi aura des
relations tendues avec pas mal d’hommes politiques français, avec Chirac qui
portera plainte pour diffamation, avec Juppé et François Fillon. Ancien collaborateur
de Wade, il est aperçu avec Macky Sall en 2019 lors de la campagne
présidentielle au Sénégal.
2. L’épisode ivoirien
Ayant régné 33 années à la tète de
son pays, Felix Houphouet Boigny décède. Cette fois ci, Paris n’a pas préparé
la succession comme au Gabon avec Léon Mba. Ainsi, le décès de Houphouet Boigny
plonge la Cote d’Ivoire dans des moments troubles. En Octobre 2000, Gbagbo
prend le pouvoir.
( Laurent Gbagbo ©getty
images )
La France ne lui fait pas confiance. Ainsi, avec la rebellion
au Nord du pays, Gbagbo sollicite l’aide de la France qui refuse. Le 4 Novembre
2004, au cours d’une offensive contre les rebelles du Nord, un avion de l’armée
ivoirienne bombarde délibérément le lycée français de Bouaké où est stationnée
l’armée française. 9 soldats français sont morts. La riposte ne se fait pas
attendre. La France détruit au sol quelques avions et hélicoptères de l’armée
ivoirienne. C’est l’embrasement. Gbagbo incite les populations à descendre dans
les rues pour conspuer la France. 5 jours plus tard, après un face à face tendu
de 48 heures devant l’hôtel Ivoire où ont été regroupés les Européens, les
militaires français ouvrent le feu sur la foule faisant 67 morts et 1256 blessés.
Durant toute la nuit, les hélicoptères de l’armée française tentent d’empêcher
la foule des jeunes partisans de Gbagbo de franchir le pont qui relie le centre
ville à l’Aéroport et à la base militaire française. Sous un déluge de feu où
se mêlent balles réelles et balles blanches, des centaines de jeunes ivoiriens
défient l’ancienne puissance coloniale. Comme un symbole.
1.
L’Uranium de Tandja
Une des grandes richesses du Niger,
c’est l’uranium. L’ancienne colonie a de tout temps été la principale source
d’approvisionnement de la France en uranium pour ses centrales nucléaires. En
2007, un épisode va bien illustrer le renversement des rapports de force entre
la France et l’Afrique. Le président du Niger Mamadou Tandja veut profiter du
redémarrage mondial de l’industrie nucléaire pour exiger une hausse des tarifs
de vente du minerais d’uranium et une renégociation de la concession d’Imouraren
destinée à être la plus importante au monde. Pour faire face à cette situation
difficile, Dominique Pin est nommé directeur d’AREVA au Niger. Au cours de
négociations tendues, le président nigérien menace. Les négociations piétinent,
Dominique Pin est expulsé hors du pays. Deux semaines plus tard, Sarkozy vient
signer le nouvel accord. Il dira «
ils ont des matières premières et on va les payer au juste prix ». Une
phrase qui symbolise bien tout le changement.
Avec les présidents Hollande et
Macron, on tient le même discours. Selon eux la « Françafrique » est
révolue. Du coté africain, on ne saurait y croire. De nouvelles formes ont vu
le jour…
Bat Jean-Pierre, Les
archives Foccart aux Archives nationales, Afrique & Histoire, Verdier,
vol. 5, 2006, p. 189-201
Bat Jean-Pierre, La
Fabrique des Barbouzes. Histoire des
réseaux Foccart en Afrique, Paris, Nouveau Monde, 2015, 510 pages
Bat Jean Pierre, Le
Syndrome Foccart, Paris, Gallimard,
2012, 848 pages
Bruyère-Ostells Walter,
L’INFLUENCE FRANÇAISE DANS LA SÉCESSION KATANGAISE :NAISSANCE D’UN SYSTÈME
MERCENAIRE, Presses Universitaires de France | « Relations internationales
», 2015/2 n° 162 | pages 157 à 172
Foccart Jacques et Gaillard Philippe, Foccart parle, 2 t., Paris, Fayard-Jeune Afrique, 1995 et 1997.
Gounin Yves, JEAN-PIERRE
BAT. LA FABRIQUE DES « BARBOUZES ». HISTOIRE DES RÉSEAUX FOCCART EN AFRIQUE, De
Boeck Supérieur | « Afrique contemporaine », 2015/1 n° 253 | pages 162 à 163
Péan Pierre, Affaires
africaines, Paris, Fayard, 1983, 340 p
Péan Pierre, L'homme de
l'ombre. Éléments d'enquête autour de Jacques Foccart, l'homme le plus puissant
et le plus mystérieux de la Ve République, Paris, Fayard, 1990, 585 pages
Smith Stephen, LA
POLITIQUE D'ENGAGEMENT DE LA FRANCE À L'ÉPREUVE DE LA CÔTE D'IVOIRE, Editions
Karthala | « Politique africaine », 2003/1 N° 89 | pages 112 à 126
Thiam Assane, LA
POLITIQUE AFRICAINE DE NICOLAS SARKOZY : RUPTURE OU CONTINUITÉ ?, Institut
français des relations internationales | « Politique étrangère », 2008/4 Hiver
| pages 873 à 884
Turpin Frédéric, De
Gaulle, Pompidou et l'Afrique (1958-1974), Paris, Les Indes savantes, 2010,
335 pages
Filmographie
Benquet Patrick, La Françafrique, Paris, Compagnie des Phares
et Balises, 2010, 160 minutes
Tourbe Cédric, Foccart, l'homme qui dirigeait l'Afrique, K'ien Productions,
2010, 90 minutes
Webographie
Cairn.info
Foka Alain – Archives d’Afrique - RFI
[1] Yves
Gounin, JEAN-PIERRE BAT. LA FABRIQUE DES
« BARBOUZES ». HISTOIRE DES RÉSEAUX FOCCART EN AFRIQUE, De Boeck Supérieur
| « Afrique contemporaine », 2015/1 n° 253 | pages 162 à 163
[2]
Confidences de Rolland Colin dans Archives d’Afrique – Mamadou Dia
[3] Article
de RFI sur l’Opération Persil ( en ligne )
[4] Lire Grands d’Afrique – Um Nyobe
[5] Maurice
Robert, « Ministre » de l’Afrique. Entretiens avec Alain Renault, Seuil, Paris,
2004
[6]
Expression que Robert Bourgi a employé.
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