Charles N’Tchoréré, le héros méconnu
Mort sous le
drapeau de la France dans des circonstances bien particulières, il n’aura pas connu la notoriété de Jean
Moulin. Dans son continent, il reste encore méconnu. Aujourd’hui, le prytanée
militaire de Saint Louis du Sénégal porte son nom. C’est dans le souci de faire
connaitre cet homme auprès de la jeunesse africaine que, que nous écrivons ces
lignes. Voici l’histoire de Charles N’Tchoréré.
Parcours
Né à Libreville le 15 novembre 1896, il était fils ainé d’une noble famille qui avait gouverné sa
terre natale. Charles N'Tchoréré se trouve au Cameroun quand la guerre éclate
en 1914. Employé dans une entreprise tenue par des Allemands, il retourne dans
son pays d'origine, le Gabon, une colonie de l'Afrique-Équatoriale française,
pour échapper à d'éventuelles représailles. Les combats font rage et
s'éternisent. La France a besoin de bras valides. Elle fait donc appel à ses
"indigènes". Avec l'accord de son père, Charles s'engage en 1916. À
la fin de la guerre, il sera élevé au grade de sergent. Il décide par la suite
de faire carrière dans l'armée française. Pour sa première mission, il est
envoyé au Maroc, où un certain Abdel el-Krim et ses hommes ont pris les armes
pour réclamer une République sécessionniste. Nous sommes en 1919. Dès son
retour en France, Charles N'Tchoréré intègre l'École des officiers d'outre-mer
de Fréjus. Il en sort major en 1922. Puis il part de nouveau en mission.
Direction la Syrie. Charles N'Tchoréré n'aura pas de chance cette fois. Il est
grièvement blessé à la mâchoire au cours des combats. On lui décerne la croix
de guerre avec étoile d'argent pour son courage exemplaire. Remis de sa
blessure, il est affecté dans l'administration. Il rédige des articles pour La
Revue des troupes coloniales et un rapport sur la promotion sociale des
sous-officiers indigènes. Il demande ensuite sa mutation au Soudan, où il prend
le commandement de la compagnie hors rang du 2e régiment des tirailleurs
sénégalais à Kati. Il dirige parallèlement une école des pupilles de l'armée.
En 1933, Charles N'Tchoréré est nommé capitaine. Une belle fin de carrière en
perspective l'attend au Sénégal à la tête du 1er régiment des tirailleurs
sénégalais.
Destins croisés
La déclaration de guerre (seconde
guerre mondiale) le trouva dirigeant l’Ecole des enfants de troupe de Saint
Louis du Sénégal, et voici la lettre qu’il adressait le 26 Aout 1939 à son fils
le caporal Jean-Baptiste N’Tchoréré. On pourra difficilement la lire sans être
ému de la noblesse qu’elle révèle chez celui qui l’écrit : « Mon
fils, j’ai là sous les yeux ta dernière lettre ; comme je suis fier d’y
trouver cette phrase : Quoiqu’il
arrive, papa, je serai toujours prêt à défendre notre chère patrie, la
France ! Merci mon enfant, de m’exprimer ainsi ces sentiments qui m’honore
en toi…La vie, vois-tu mon fils, est quelque chose de cher, cependant, servir
sa patrie, même au péril de sa vie, doit l’emporter toujours ! J’ai une
fois inébranlable en la destinée de notre chère France, rien ne la fera
succomber, et s’il le faut, pour qu’elle reste grande et fière de nos vies, eh
bien, qu’elle les prenne ! Du moins, plus tard, nos jeunes frères et nos
neveux seront fiers d’être Français, ils pourront lever la tête sans honte, en
pensant à nous »
Par une coïncidence dans laquelle
nous voulons voir un symbole, le père et le fils, unis dans le même idéal,
devaient consommer, le même jour, leur sacrifice.
Le caporal
Jean-Baptiste N’Tchoréré avait refusé de descendre avec son régiment dans
le midi (Sud) en Novembre 1939. Il reçut la mort des soldats, le 7 Juin,
derrière son canon antichar, dans la Somme, à Remiencourt.
De son coté, le capitaine Charles
N’Tchoréré avait quitté Saint Louis sur sa demande pour venir combattre en
France. A son arrivée au front, il avait pris le commandement de la 7ème
compagnie régiment d'infanterie coloniale mixte sénégalais (R.I.C.M.S.)
(Charles N'Tchoréré © Senego)
Le combat fatidique
Et c’est peu de temps après que se place cette soirée de Juin
que n’oublieront jamais ceux qui ont assisté dans la cour d’une ferme en
ruines, au rassemblement de la 7ème compagnie avant sa montée en
ligne.
Tous se souviennent des paroles de
leur capitaine et surtout de ce cri jailli du fond de lui-même, quand il donna
l’ordre de départ : « C’est le plus beau jour de ma vie »
Puis ce fut la bataille…La figure du
capitaine N’Tchoréré devait s’illuminer de joie guerrière et de fierté. La race
noire, avec un officier noir pour la commander, luttait pied à pied pour sauver
le sol de la France.
La mort tragique
Le point d’appui d’Airaines où la 7ème
Compagnie a pris position est tenu par une garnison mixte sénégalaise et
blanche. Attaquée par les blindés, elle tient et inflige des pertes à l’ennemi
qui doit rompre le combat. Des forces beaucoup plus importantes viennent
bientôt l’assiéger et, après un violent bombardement, passe à l’assaut. On se
bat jusqu’à l’extrême limite de moyens…Farouchement, au moment où elle
succombe, la compagnie N’Tchoréré ne compte plus que dix sénégalais et cinq
Européens.
Dans le secteur, il y a eu d’autres
prisonniers que l’ennemi s’occupe à dénombrer. Les noirs sont mis à part et les
officiers séparés de leurs hommes. L’officier allemand voulant humilier le
capitaine noir qui lui a si bravement tenu tête, lui commande de se joindre aux
tirailleurs sénégalais et de se tenir, comme eux, les mains sur la tête.
Le capitaine N’Tchoréré refuse
d’exécuter cet ordre et fièrement se dirige vers le groupe de ses camarades
officiers qui, ensemble, esquissent déjà un geste d’accueil… aussitôt
figé : un Feldwebel (grade
militaire dans les armées de langue allemande) s’est avancé et, à bout portant,
a abattu le capitaine d’un coup de revolver. Le capitaine N’Tchoréré a donné sa
vie pour faire respecter sa dignité d’officier français.
La stèle en mémoire de Charles N'Tchoréré et des combattants d'Afrique
noire, à Airaines, près d'Amiens. © DR
Mot de l’auteur
Après la
victoire sur les allemands, acquise surtout grâce au sang que les tirailleurs
ont versé, un épisode va tristement marquer les africains à jamais : le
massacre de Thiaroye.
(Les cimetières de
Thiaroye)
Des tirailleurs sénégalais ont été exécutés
juste parce qu’ils réclamaient le paiement de leur solde à sa juste valeur. C’était
trop demander ? Ces tirailleurs lâchement assassinés ont fait la guerre à
la place de certains français qui ont préféré collaborer avec l’ennemi nazi.
Ces tirailleurs ont été présents lors des deux guerres mondiales et se sont
battus pour la France. Aujourd’hui, pour que les petits fils de ces soldats
entrent en France pour étudier, il faut qu’ils remuent ciel et terre.
Bibliographie
·
Aka
Alain, Un héros sort de l'ombre : Charles
N'Tchoréré, venu du Gabon, mort pour la France, Le Point Afrique, Avril
2014
·
Touré
Mamadou Lamdou, Les Tirailleurs Sénégalais, les 3 Orangers, Paris, 2005, pages 91-92
Une histoire émouvante ,dure à lire parce qu'il exhorte à la révolte alors que tu peux pas !
RépondreSupprimerMais , je me demande pourquoi les africains surtout noirs considèraient la france comme leur fief ....ils étaient des braves renegats d'après la lettre de N'TChoréré à son fils....et c'est la même logique qui nous véhicule . Que ce soit président,étudiants,Ouvriers etc tous ,ils ne croient pas en leur Afrique non...ils aiment toujours donner tout ce qu'ils ont à la France.
Président(nos ressources et la defense des interets francais....)
Etudiants( monnayer son savoir et savoir faire à la France. Ils sont combien en France et ils sont combien pour servir la france apres leurs études même🙆)
Ouvriers( je rêve d'aller travailler en france...) .C'est douloureux vraiment