L'histoire de Mamadou Dia


  




Parcours scolaire et professionnel

Mamadou Dia est né à Khombole en 1911. Certaines sources relatent 1910 mais selon lui, son père avait choisi cette date afin de pouvoir l’inscrire à l’école française. Mamadou Dia est issu d’un métissage entre sérère du coté maternel et Haal Pulaar du coté de son père. Il va aller à Saint Louis, la capitale sénégalaise d’alors pour y faire ses premières humanités. Apres il intègre la célèbre école William Ponty qui a formé plusieurs des cadres africains pendant la période coloniale : Hamani Diori , Diallo Telli etc. Apres sa formation, il sort de l'école normale avec le diplôme d’instituteur en 1930 . En 1943, il est affecté à Fatick pour diriger l’école régionale. Il faut noter que pendant cette période Dia avait un mauvais aperçu de la politique et jugeait qu’un homme sérieux ne pouvait s’adonner à cela.

Rencontre et projets avec Senghor à la veille de l’indépendance…

En 1943, Léopold Sédar Senghor qui présentait sa candidature à la députation rencontre Mamadou Dia à Fatick .C'est dans ces circonstances que les deux hommes vont parler pour la première fois. Suivant son idée, Dia disait à Senghor qu’il ne comprenait pas son entrée en politique lui qui fut Agrégé. A la fin de la discussion, Senghor finit par le convaincre. En 1948, sous l’influence de Senghor, Dia entre dans la politique sous la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). En 1949, il fonde avec Senghor le Bloc Démocratique Sénégalais (B.D.S). Il sera élu sénateur du Sénégal puis député avec Senghor à l’assemblée Française en 1956.
1956, année de la loi cadre Gaston Deferre, cette loi cadre certes octroie plus d’autonomie aux colonies mais participe à la balkanisation de l’Afrique française. En 1958, c’est la première mésentente entre Senghor et Dia. Ce dernier dira que « c’est la première fois que je me suis senti trahi » . Il faut bien noter que cette mésentente a eu lieu dans des circonstances bien particulières. Pour parer à une nouvelle " Indochine" , De Gaulle élabore un plan pour donner plus d’autonomie aux colonies tout en les conservant dans son giron. IL propose « la communauté ». Lors d’un référendum, les pays africains souhaitant avoir une autonomie interne et la communauté avec la France diront oui, ceux qui veulent avoir une indépendance totale et immédiate diront NON. Pour Mamadou Dia, le choix est déjà fait. Pour lui, le Sénégal peut devenir indépendant alors que ce ne fut pas le cas pour Senghor. Lors de la visite-campagne de De Gaulle à Dakar, il y avait ni Senghor, ni Dia sur place. Valdiodio Ndiaye prend part pour le Non. Son discours se révèle comme l'union des idées de Dia et de Senghor. Il développe l'idée d'une indépendance avant de se projeter vers l'union avec les pays de la sous région.  Mamadou Dia qui a eu un entretien avec Senghor après verra que sa vision n'est pas celle de Senghor. Ce dernier lui dit qu’il avait déjà promis le « Oui » au autorités françaises. C’est ainsi donc le duo va conduire le pays jusqu’à la création de la fédération du Mali.

La fédération du Mali

Dans le souci de constituer un grand ensemble, des leaders africains vont émettre l’idée de la mise en place d’une Fédération. Au départ la fédération du Mali devait rassembler le Sénégal , le Soudan français ( actuel Mali) , le Dahomey ( actuel Bénin ) et la Haute Volta ( actuel Burkina Faso ). Sous la pression de Houphouët Boigny , le Dahomey et la Haute Volta se retirent . Restent le Sénégal et le Soudan français qui devront faire cavaliers seuls. L’attelage de la fédération ne laissait pas espérer grand chose. Avec la divergences de visions sur le socialisme et le tiraillement au sein  de la gouvernance fédérale, l’entité ne pouvait que voler en éclats. A noter que Mamadou Dia avait refusé la présidence de la fédération en soutien à Senghor car les soudanais ne se faisaient pas à l’idée d’être dirigé par un "pro français" et catholique. Ainsi donc, l’organisation de cette fédération s’est faite de la manière suivante : Léopold Sédar Senghor est désigné président de l’assemblée. Modibo Keita est élu président. Mamadou Dia est choisi comme vice-président et ministre de la défense. Le 18 août 1960, traversée par de multiples désaccords sur la désignation de ses responsables, la Fédération du Mali est vouée à l’éclatement. Une nouvelle crise accélère le processus : Modibo Keïta donne des instructions au chef des forces armées, le colonel Soumaré, pour la mise en place de mesures de sécurité lors de la prochaine élection présidentielle. Il le fait sans prévenir son ministre de la défense, Mamadou Dia. Le 18 août, le colonel Soumaré demande aux unités de l’armée malienne qui sont à Podor et Bignona d’envoyer chacun une compagnie «en tenue de combat». Mamadou Dia tente de contrecarrer la décision, Modibo Keïta la reconfirme. Les Sénégalais ont la certitude que les Soudanais vont faire usage de la force et se préparent en conséquence. Les Soudanais sont persuadés que les Sénégalais préparent leur sécession. Le 19 août 1960 Modibo Keïta convoque un conseil des ministres extraordinaire dans la soirée pour empêcher la sécession du Sénégal. Un seul ministre sénégalais est présent. Mamadou Dia est déchargé de la défense. L’état d’urgence est proclamé. Le lendemain, La réponse des Sénégalais ne tarde pas à arriver. Le commandant de la Garde républicaine arrête le colonel Soumaré. Les hommes de la gendarmerie, qui sont Sénégalais, se rangent aux côtés de Senghor et de Dia. L’assemblée est convoquée. Elle vote en pleine nuit l’indépendance du Sénégal et décide elle aussi d’un état d’urgence. Le 21 août, Modibo Keïta et les représentants maliens présents à Dakar sont raccompagnés à la gare et quittent le pays. Ainsi éclata la fédération qui n'aura duré que deux mois.

La crise de 1962 ou la rupture avec Senghor…

-          Genèse de la crise
Mamadou Dia avec sa vision d'un socialisme à la sénégalaise va s'attire toute une coalition opposante à sa démarche.  Dans une logique d'égalité et de développement, il supprime les privilèges des libano-syriens qui alors contrôlaient une bonne partie de l'économie sénégalaise. Il s'attaque aussi aux députés qui contractent des prêts à coup de millions et qui ne paient pas. Certains de ces mêmes députés possédaient des actions dans des sociétés anonymes et s'arrangeaient à faciliter leur gain en abusant de leur statu. Ce qui rend l'atmosphère plus tendue, c'est le fait que les députés aient profité de l'absence de Dia (hors du pays) pour voter l'augmentation de leurs indemnités. Les marabouts aussi s'étaient ligués contre Dia. Ce dernier avait limité leurs privilèges et s'était attaqué à leur intérêt en créant des coopératives agricoles.  Suivant toujours son projet de développement, Dia voulait inclure l'arabe dans l'enseignement primaire et secondaire à titre facultatif. Selon lui, le Sénégal, pays musulmans doit s'imprégner de savoir islamique. Il a aussi l'idée d'offrir des bourses d'études dans des pays musulmans comme l'Égypte. Les opposants de Dia utilisent cet argument pour l'opposer contre Senghor. Ils prétendent que Dia veut faire du Sénégal une République islamique .
Mamadou Dia qui commençait de se faire une grande image auprès des sénégalais n'arrangeait pas Senghor pour sa popularité. La France a peur du basculement du Sénégal dans le bloc de l'Est vu que Dia effectue pas mal de voyages vers ces pays. Avec tous ces éléments conjugués, le climat était favorable à la chute de Mamadou Dia.
-          Le pseudo-putsch
C'est dans cette atmosphère que des députés se sont proposés de voter une motion de censure contre Dia . A cet époque,on notait que beaucoup de "leaders progressistes" étaient mis hors circuit : Sylvanus Olympio , Patrice Lumumba , Kwame Nkrumah etc. Dia entre dans ce sillage. Normalement et légalement, cette motion devait passer par les instances du parti avant d'aller à l’assemblée. Seulement les opposants de Dia savent que s'ils empruntent le processus normal, ils vont perdre. C'est ainsi donc ils ont eu l'idée de brûler les étapes et d'aller directement à l'assemblée . Ce que Dia juge anormal. Si cela est fait, il prévoit de mobiliser la gendarmerie le jour où l'assemblée va voter cette motion . A noter pendant ce temps , Senghor était au courant de cette motion mais n'a pas jugé nécessaire de soutenir son ami . Pire , l'armée française était déjà prête à intervenir au cas où les choses tourneraient en faveur de Dia . Ce dernier n'avait point l'idée de faire un coup d'État mais de valoir ce qui est de droit. Et ce qui devait arriver arriva . Le 14 décembre 1962, le député Théophile JAMES dépose une motion de censure. A travers cette motion, les 39 députés signataires retiraient leur soutien au gouvernement qui d'après eux, ne respectaient pas les prérogatives de l'Assemblée . Dia , le 17 Décembre 1962 ,  mobilise la gendarmerie qui va entourer l'assemblée nationale pour que les députés ne puissent pas entrer pour voter la motion. Cela passe pour un putsch aux yeux de tout le monde . Les députés se retirent chez Lamine Gueye pour voter la motion , Dia n'est pas compris et c'est la descente aux enfers...

La prison...

Mamadou Dia est arrêté avec quatre autres ministres, Valdiodio N'diaye , Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall . Ils sont traduits devant la Haute Cour de justice du Sénégal du 9 au 13 mai 1963 . La sanction est sans appel ! La prison à perpétuité pour Dia , la prison de Kedougou avec des chaleurs extrêmes . Pendant son incarcération , beaucoup d'intellectuels vont s'activer pour sa libération notamment Jean Paul Sartre . Son ex directeur de Cabinet Roland Colin revient voir Senghor dans le but d'un dialogue . Senghor lui demande d'aller dire à Dia qu'il peut le libérer si seulement Dia jure d'arrêter la politique à sa sortie . Dia refuse et dit je préfère être libre en prison plutôt qu'enfermé à l'extérieur . Avec cette réponse , Senghor se résolu donc à laisser son  ami , malade des yeux ( glaucome) , là où il est .
Cette visite que Colin a rendu à Mamadou Dia sera un déclic. En effet, au moment où Colin est allé voir Dia , ce dernier avait écrit à Houphouet-Boigny . Ce dernier qui estimait Mamadou Dia va faire pression sur Senghor. A l'époque, depuis un certain temps le Sénégal et la Côte d'ivoire n'avaient pas de bonnes relations. En 1974 , c'est le rapprochement. Houphouet-Boigny devait venir à Dakar . C'est ainsi donc qu'il fera un chantage politiqueà Senghor. Il va accepter de venir à Dakar si seulement Senghor libére Dia. Leopold pour ne pas décevoir fut obligé de gracier Dia en Mars 1974.
Le procureur général de l'époque, Ousmane Camara , revient sur le déroulement du procès dans une autobiographie publiée en 2010 : « Je sais que cette haute cour de justice, par essence et par sa composition, (on y retrouve des députés ayant voté la motion de censure), a déjà prononcé sa sentence, avant même l’ouverture du procès (...) La participation de magistrats que sont le Président , le juge d’instruction (Abdoulaye Diop) et le procureur général ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée » le Général Jean Alfred Diallo , nommé Chef d'État major par Senghor au moment des événements en remplacement du général Amadou Fall et homme clé de ces événements, déclara : « Mamadou Dia n’a jamais fait un coup d’état contre Senghor … l’histoire du coup d’Etat, c’est de la pure fabulation » .

Dia après la prison…

  Un an après sa sortie , Mamadou Dia reprend son combat initial, persuadé que les Etats balkanisés et dominés ne peuvent assumer véritablement la démocratie et le développement. S’appuyant sur les mouvements de la société civile et les communautés de base, avec Joseph Ki-Zerbo, il crée une Internationale Africaine des Forces pour le Développement (1975). Malgré un acquiescement formel, le pouvoir sénégalais y met obstacle .  il se présente à l’élection présidentielle de 1983 sous la bannière du Mouvement démocratique populaire (MDP). Il accepta de fusionner par la suite son parti avec la Ligue communiste des travailleurs (Lct) pour mettre sur pied le Mouvement pour le socialisme et l’unité (Msu), un parti membre du Front Siggil Senegaal, qui réunit aujourd’hui les partis de l’opposition dite significative. Après avoir soutenu, en 1988 et en 1993, la candidature de Landing Savané à l’élection présidentielle, il fera partie, en 2000, des leaders de l’opposition à avoir soutenu Me Abdoulaye Wade, élu à la magistrature suprême. L’idée de la révision de son procès avait été agitée par le président Abdoulaye Wade (qui faisait partie de ses avocats en 1963) à son arrivée au pouvoir, avant de l’abandonner à cause notamment de l’opposition de Mamadou Dia qui ne partageait pas sa façon de conduire le pays. Ce qui est à l'origine de sa brouille avec le président Abdoulaye Wade. Chantre du socialisme autogestionnaire, le président Mamadou Dia a mené le combat jusqu’au dernier souffle. Affaibli par le poids de l’âge, il prenait régulièrement position, à travers des sorties épistolaires dans la presse sénégalaise, sur des questions d’intérêt national, continental et international. Réputé pour sa rigueur, son patriotisme, son engagement et sa piété, Mamadou Dia laisse un héritage politique incommensurable aux nouvelles générations. Le 25 Janvier 2009, Dia décède à l'age de 98 ans. 

Bibliographie
COLIN, Roland , Sénégal notre pirogue, Au soleil de la liberté, Journal de bord 1955-1980, Paris, Présence Africaine, 2007, 408 p.
Dia Mamadou , Afrique . Le prix de la liberté , L’Harmattan, 2001 , 396 pages
NDIAYE Guédel , L'Echec de la fédération du Mali , Nouvelles Editions Africaines du Sénégal , Dakar, 1981 , 194 pages
Seck Papa Ogo , Histoire du parlement du Sénégal , Université Gaston Berger de Saint Louis – 3e cycle 2001
Webographie
http://www.jeuneafrique.com - Mamadou Dia, un monument de l’histoire politique du Sénégal
Filmographie
Ousmane William Mbaye , Président Dia , Ina , les films Mame Yandé , 2012 , 55 minutes

Commentaires

  1. Que tu savoir dans ce blog.merci Diagne

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  2. Que tu savoir dans ce blog.merci Diagne

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  3. Tres interessant le recit sur le combat d un homme idealiste et courageux le vrai patriote Mamadou DIA

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  4. Très intéressante et merci pour un tel travail

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  5. Très édifiant. Merci pour ce magnifique travail. Toutefois, avec tout le respect que je vous dois, veuillez faire attention aux fautes. Merci.

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  6. Excellente initiative merci de nous rappeler cette page de l'Afrique combattante.

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  7. Merci mon fils il faut penser realiser une exposition itinérante qui ferait le tour des écoles et de l'Afrique

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  8. C'est très intéressant , ça m'a beaucoup touché , les africains ne reconnaissent les grands hommes qu'après sa mort. Que son âme repose en paix !

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  9. C'est une histoire vraiment touchante. C'est vrai que depuis longtemps les africains sont toujours contre celui qui prône l'intérêt général.
    Que son âme repose en paix.

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  10. C'est une histoire vraiment touchante. C'est vrai que depuis longtemps les africains sont toujours contre celui qui prône l'intérêt général.
    Que son âme repose en paix.

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  11. Je suis vraiment emui par cette belle histoire de Mamadou Dia . Cette histoire devait être racontée dans 'les écoles .

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