Grands d'Afrique n°2 : Thomas Sankara

( Par Bathie Samba Diagne , étudiant au département d'histoire , Ucad )




Parcours et formation militaire… ....................................................................................... 

Entrée en politique… .........................................................................................................
Sankara sous le régime Saye Zerbo… ............................................................................................................. 
Sankara sous le régime de Jean Baptiste Ouédraogo .................................................................................... 
La révolution burkinabé ............................................................................................................ 
Les organes de la révolution ........................................................................................................................... 
Sankara et la révolution .................................................................................................................................. 
Les limites de la révolution ............................................................................................................................. 
La brouille avec Blaise Compaoré…............................................................................................ 
Sankara , l’assassinat… .................................................................................................................................... 
Qui a assassiné Sankara ? ............................................................................................................................. 
Bibliographie : .....................................................................................................................


·         Parcours et formation militaire…
Thomas Sankara est né à Yako au centre Nord de la Haute Volta ( actuel Burkina Faso ) le 21 Décembre 1949 , Sankara est issu d’un métissage entre père Peul et mère Mossi . Il fera ses études primaires à Kaya . Il fait ses études secondaires d'abord au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso capitale . Fils d’ancien combattant , il va rejoindre le prytanée militaire de Kadiogo  après son brevet d’étude de premier cycle . A 20 ans , il rejoint l’académie militaire d’Antsirabe à Madagascar . Dans ces lieux , il fait la connaissance d’un certain Ibrahim Manaissara Baré . Là aussi , il commence à s’intéresser à la chose politique . Il effectue des stages à l’école des parachutistes de Po et l’école des instructeurs parachutiste de Rabat au Maroc .
Cependant , un conflit va le faire connaitre dans son pays : le conflit à propos de la bande d’Agacher . C’est une fine langue de terre d’une trentaine de kilomètres de long, à cheval entre le Mali et le Burkina Faso. Depuis leurs indépendances, au début des années 1960, les deux pays se disputent cette zone désertique riche en minerais, baptisée bande d’Agacher. En décembre 1974, les militaires maliens et burkinabè s’opposent brièvement pour son contrôle lors d’une première « guerre des pauvres ». Les combats ne durent que deux jours et feront quelques morts . Pendant cette petite guerre , Le jeune officier galvanise ses troupes et prend même pied en territoire malienne . Les deux camps crient victoire . Une médiation des pays voisins mettra fin au conflit entre les belligérants. La Haute Volta érige Sankara en héros  . L’Armée va lui donner l’occasion de créer son unité à Po qui sera en quelque sorte sa base .
·         Entrée en politique…
Thomas Sankara s’intéresse de plus à l’idéologie et à la théorie marxiste . Avec des camarades militaires, il fonde le Regroupement des officiers communistes (ROC) dont les autres membres les plus connus sont Henri Zongo, Boukary Kabore et Jean-Baptiste Lingani.  Il faut noter que ce regroupement n’est pas en phase avec le régime de Sangoulé Lamizana qui a pris le pouvoir en 1966 après le départ forcé du premier président Maurice Yaméogo .
-          Sankara sous le régime Saye Zerbo…
1980, Aboubakar Sangoulé Lamizana est déposé par Saye Zerbo le commandant du régiment interarmes d’appui de Ouagadougou (RIA) . Dès son accession au pouvoir, Zerbo promet de mettre fin à la corruption qui mine le pays. Au sein du Conseil national des forces armées, il fait appel aux jeunes officiers Thomas Sankara, Blaise Compaoré et Henri Zongo pour le seconder. Mais le colonel prend vite des mesures impopulaires. Le chef de l’État refuse le dialogue avec les responsables politiques, bloque les salaires et suspend le droit de grève. Pour les Voltaïques habitués à écouter leurs leaders syndicaux, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Las des abus de pouvoir de Zerbo, ses plus proches collaborateurs vont eux aussi prendre leur distance avec le chef de l’État. Thomas Sankara, alors secrétaire d’État chargé de l’Information, remet en mai 1982 sa démission de manière fracassante : « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple ! » lance celui qui sera suivi peu de temps après par les capitaines Zongo et Compaoré. Le trio sera mis aux arrêts et exilé loin de la capitale. La punition sera dure pour Sankara : il est placé aux arrêts de rigueur pendant 2 mois  , il est maintenu en résidence surveillé et déchu de son grade de capitaine . La rupture est consommée avec le régime Saye Zerbo .
Le 6 novembre 1982, en début d’après-midi, Saye Zerbo quitte son bureau pour regagner le camp militaire où loge sa famille. Et décide de prendre un peu de repos… À 17 heures, la présidence est isolée du monde. Des militaires ont pris position sur les artères de la capitale. C’est un coup d’État. Un nouvel homme fort prend le pouvoir : il s’appelle Jean-Baptiste Ouédraogo.
-          Sankara sous le régime de Jean Baptiste Ouédraogo
Il faut noter que ce dernier a été un président choisi par défaut en quelque sorte . Il dira : « Le coup d’État avait été préparé au seul profit de Thomas Sankara, mais Sankara a décliné l’offre au dernier moment. On m’a, enfin, choisi contre mon gré, parce que j’étais l’officier le plus ancien dans le grade de commandant ». Sans expérience politique ni base idéologique à l’inverse de son Premier ministre Sankara, Ouédraogo est vite débordé par l’aile gauche du Conseil de salut du peuple (CSP), qui le trouve conservateur et profrançais. A noter que Sankara est premier ministre de ce gouvernement . Avec la nomination de Sankara comme numéro 2 du régime , débutent les bisbilles . Sankara avec ses prises de position fait de l’ombre au chef de l’Etat . A , noter que les deux ne sont pas d’accord sur les orientations politiques à suivre . Le chef de l’État, « libéral et démocrate sincère », doit affronter des « marxistes purs et durs ». Derrière ces derniers se trouve la Libye de Muhammar Khadafi , alors que lui est « l’ami des Français ». Le 16 mai 1983, Guy Penne, conseiller du président français François Mitterrand, débarque à Ouagadougou. Le lendemain, Thomas Sankara est mis aux arrêts. Une  Coïncidence troublante qui laisse supposer que Sankara aurait été écarté sur décision de la France . Dans la garnison de Pô, au sud du pays, Blaise Compaoré prépare la réplique. Mission accomplie le 4 août 1983. On note qu’au moment où les opérations du putsch débutent , Sankara avait trouvé avec Jean Baptiste Ouédraogo un consensus et essayait de rappeler Blaise Compaoré mais c’était trop tard . Ainsi donc , le 4 aout 1983 , jour de la fête nationale ,  la Haute volta entre dans l’ère de la révolution.
·         La révolution burkinabé
Dès l’entame , Sankara fait savoir que les militaires ne sont pas venus pour partir aussitôt . Il soutient que les militaires font parti de la société et doivent souffrir et gagner avec le peuple .  Ainsi donc le premier gouvernement de la révolution sera composé de 15 civils et de 5 militaires qui détiennent les postes clés .  Thomas Sankara est le président du C.N.R ( conseil national de révolution) , ministre de l’intérieur et de la sécurité . Blaise Compaoré est ministre d’Etat chargé de la présidence , numéro 2 du régime . Jean Baptiste Lingani gère la défense nationale , Henri Zongo est le ministre des sociétés d’Etat et Abdou Salam Kaboré est à la Santé .
-          Les organes de la révolution
A noter que la révolution s’appuie sur des organes  bien déterminés.  D’ores et déjà il faut noter le Comité de défense de la révolution ( C.D.R.) . Ils sont constitues par «  d'inconditionnels de la révolution » et son charger de la bonne marche de la révolution et de mettre hors état de nuire ses ennemis  . Après les C.D.R , on note les Tribunaux populaires de la révolution ( T.P.R. ) . Le Tribunal Populaire de la Révolution (TPR) fut la toute première juridiction populaire créée par le Comité National de la révolution ( C.N.R. ). Lors de l’ouverture le 3 janvier 1984 , Thomas Sankara dira : « La création des Tribunaux populaires révolutionnaires se justifie par le fait, qu’en lieu et place des tribunaux traditionnels, le peuple voltaïque entend désormais matérialiser dans tous les domaines, dans tous les secteurs de la société, le principe de la participation effective des classes laborieuses et exploitées à l’administration et à la gestion des affaires de l’Etat.

Les juges des Tribunaux populaires révolutionnaires ont été choisis au sein des travailleurs et par les seuls travailleurs avec la mission d’accomplir la volonté du peuple. Pour ce faire, nul besoin pour eux, de connaître les vieilles lois. Etant issus du peuple, il suffit qu’ils se laissent guider par le sentiment de la justice populaire…» . le TPR avait pour compétence le jugement des crimes et délits politiques contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, des cas de détournement de deniers publics dont il jugeait utile de se saisir et de façon globale de tous les crimes et délits commis par des fonctionnaires, agents et préposés de l'Etat dans l'exercice de leur fonction. L'objectif du CNR était de bénéficier d'une assistance populaire. Pour cette raison, les séances de TPR avaient été ouvertes à tous ceux qui voulaient suivre les procès. Les débats étaient retransmis sur les antennes de la radio nationale pour permettre à qui le voulait bien d'être à l'écoute. Au-delà de la volonté de cette matérialisation de la participation populaire, comprenons que cette propagande visait à offrir au TPR l'opportunité de jouer son rôle dans le projet révolutionnaire de conscientisation et de responsabilisation de la société. Il faut noter aussi le mouvement des pionniers ou les jeunes burkinabés sont éduqués sur la base d’une idéologie nouvelle afin qu’ils puissent continuer la révolution après .
·         Sankara et la révolution
Sankara ouvre une nouvelle ère en rompant avec les pratiques connus jusque là . En vertu d’une ordonnance du 2 août 1984, le capitaine Thomas Sankara, désireux de faire table rase du « passé réactionnaire et néocolonial », rebaptise la Haute-Volta en République démocratique et populaire du Bourkina Fâso (orthographe originelle). Le premier mot signifie « homme intègre » en langue mooré et le second « terre natale » en dioula, soit « le pays des hommes intègres ». Ses sept millions d’habitants ne sont plus des Voltaïques mais des Burkinabè. Thomas Sankara vend les luxueux voitures du gouvernement et les remplace par d’autres plus modestes . Sankara lutte contre l’écart entre pauvres et riches . Il construit des villas pour les pauvres et décide de la gratuité du loyer pour l’année 1985 . Coté gouvernement , il initie une politique d’austérité . Les ministres ne voyagent plus en première classe . Il faut noter qu’à chaque fois Sankara montre l’exemple .  Lors de sa déclaration de patrimoine , il évoque ses biens : « En matière de biens immobiliers, je citerai d’abord un réfrigérateur, je signale qu’il est en panne . Cet appareil n’est pas actuellement à ma disposition. Il a été prêté à un couple d’amis, parce que de par mes fonctions, j’ai reçu ce matériel au palais de la Présidence. Je possède également deux téléviseurs avec magnétoscope qui sont installés à mon domicile et dans mon salon de travail. J’ai également installé un téléviseur à mon lieu de travail, parce que j’ai souvent besoin, partout où je me trouve d’être à l’écoute de nouvelles du monde . Je possède également trois guitares sèches. Je les cite parce que leur attribue beaucoup de valeur. Comme biens immobiliers, je possède une villa à la cité BND, au secteur 2. Elle a été acquise par engagement auprès de la BND-B sur prêt N° 313/109-862 en décembre 1976. Je suis soumis à un remboursement en 120 mensualités et à ce jour, il reste à payer à la banque la somme de 678824F que je règle par des mensualités de 31944F ». Avec la révolution , les ministres ne se hissent plus en haut de la perche pour y rester , ils descendent sur le terrain et travaillent avec le peuple . Sankara remet en cause le statu de la femme et s’évertue à le développer . . Il initie «  la journée du mari au marché » en l’occasion de la journée de la femme .
Il prone aussi le la politique du «  consommer local » . L’agriculture est boostée et les résultats sont bons . Dans ce méme canal , il encourage les tisserands burkinabés à travers le Faso Danfani , un habit que tous les fonctionnaires et ministres devaient porter et Sankara vérifiait cela . Il aménage le calendrier , désormais chaque semaine , les burkinabés doivent au moins faire du sport un jour , Jeudi , jour du sport de masse . A l’occasion des cérémonies de réjouissance , il pousse ses compatriotes à planter un arbre . L’agriculture , il y tenait . Lorsque la France lui propose des véhicules pour son gouvernement , il préfère prendre des camions pour le transport des produits agricoles . Sankara voulait aussi que chaque burkinabé s’investisse pour le développement .
Le 1er février 1985, le capitaine Thomas Sankara, chef de la révolution, lance le projet sous la dénomination : « La bataille du rail ». Ce sont les ressources propres au pays qui ont servi d’achat de matériel estimé à environ un milliard de Francs CFA à la fin du régime du CNR. Les ouvriers, c’est le peuple à travers ses composantes ! Femmes, jeunes, personnes âgées, élève ont participé à la pose des rails, bénévolement, jour férié ou non. A noter que la banque mondiale était réticent à ce projet car elle privilégie la construction de routes . Le lancement de « la bataille du rail » avait coïncidé avec la tenue du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO). Des cinéastes de divers pays ont participé de leur bras au projet. En deux ans, le pouvoir révolutionnaire a pu réaliser 30 km de voie ferrée (Ouaga-Donsé).
-          Les limites de la révolution
Avec les T.P.R. , on constate des dérives . En effet avec cet organe complexe , des personnes en profitent pour régler des comptes . On note aussi que le gouvernement n’avait pas la même conception de la révolution que Sankara  . On note aussi qu’avec la révolution , il y’avait pas de partis politiques ce qui bloque l’expression plurielle . Il y’avait bien des restrictions dans la presse . D’un autre coté, l’austérité que Sankara imposait ne plaisait pas à tous ses ministres et certains de ces derniers travaillaient sans conviction réelle . Au fil des mois, avec les erreurs et les abus de la révolution, l’enthousiasme populaire commence, lui aussi, à faiblir. Les frustrations s’accumulent. Le mécontentement grandit, comme l’observe Etienne Traoré, secrétaire général du Syndicat national du secondaire et du supérieur (SNES) : « Des gens disaient qu’ils n’étaient pas contents de la révolution. Sankara en était conscient. Les travailleurs devaient subir beaucoup de sacrifices. Les salaires, il fallait les augmenter au lieu de passer le temps à égratigner des parties ». Quant aux chefs traditionnels, le régime s’était attaqué à leurs pouvoirs. « Dès le départ, ils se sont recroquevillés sur eux-mêmes. » Le syndicaliste parle de « rupture totale ».
·         La brouille avec Blaise Compaoré…
Basile Guissou, qui fut dans tous les gouvernements du 24 août 1983 au 4 août 1987 , l’atteste : « L’attelage portait les germes de la crise. C’était le roi et le faiseur de roi. Tout le monde savait que le coup d’Etat du 4 août 1983 qui porta Thomas Sankara au pouvoir était d’abord l’œuvre de Blaise Compaoré et de ses commandos. Sankara, lui, était le roi. Donc il y avait ce rapport : "qui t’a fait roi". Même en Conseil des ministres, on ne s’adressait pas à Blaise Compaoré comme aux autres ministres ». Selon lui, le conflit était « latent » et, même s’il n’était pas ouvert, il était là. « Au fil de l’exercice du pouvoir, l’un ou l’autre veut s’affirmer. » . Le capitaine Pierre Ouédraogo, patron des Comités de défense de la Révolution (CDR), un des personnages clés de cette époque, a décelé pour sa part des signes de changement chez Blaise Compaoré, surtout après son mariage, le 29 juin 1985, avec la Franco-Ivoirienne Chantal Terrasson de Fougères, dont on disait que la famille était proche de Félix Houphouët-Boigny, président de la Côte d’Ivoire.
 Si au début de 1987, la crise n’est pas véritablement ouverte entre les deux hommes, elle n’est plus un secret pour personne. Le pouvoir se divise entre pro-Sankara et pro-Compaoré. En ville, des tracts circulent, plus violents les uns que les autres. On y discrédite l’orientation de la révolution. On vilipende les dérives. On dénonce de soi-disant comportements antirévolutionnaires. On en appelle au réveil du peuple. Des rumeurs se répandent à telle enseigne qu’interpellé par les journalistes lors d’une conférence de presse, Thomas Sankara déclare : « Le jour où vous apprendrez que Blaise prépare un coup d’Etat contre moi… Ce ne sera pas la peine de chercher à vous y opposer ou même de me prévenir. Ça voudra dire que c’est trop tard et que ce sera imparable  » . Début octobre 1987, les deux hommes ne se parlent quasiment plus. Blaise Compaoré se dit malade. Il n’assiste d’ailleurs presque plus aux activités officielles. Pierre Ouédraogo, qui était très lié aux deux hommes, prend alors l’initiative de tenter de les réconcilier en vain . Le 14 octobre, la veille de la mort de Sankara, le Conseil des ministres adopte un projet de création d’une force de police d’intervention, rattachée au ministère de l’Intérieur, la FIMATS, sorte de brigade anti-putsch. Son commandement est confié à Vincent Sigué, considéré comme le véritable « chien de garde » de Thomas Sankara. Blaise Compaoré s'oppose à la création de cette force. Les paras commandos de Pô, qui sont sous le commandement du capitaine Compaoré, sont alors la principale force d’intervention. La FIMATS représente à ses yeux une force concurrente qui peut faire contrepoids. Le projet de loi entérinant la création de la FIMATS est d’ailleurs adopté en l’absence de Blaise Compaoré. Selon Nongma Ernest Ouédraogo, le puissant ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, il s’agissait juste de reconstituer une Compagnie républicaine de sécurité pour veiller à la sécurité. La CRS avait été dissoute. Le ministre reconnaît toutefois que la création de cette force était très mal perçue dans le camp de Blaise Compaoré. « Ils disaient qu’on créait une nouvelle force, à un moment où la tension montait, pour attaquer l’autre clan. Alors que ce n’était pas vrai », insiste Nongma Ernest Ouédraogo, qui dit avoir appris par la suite que Blaise Compaoré était « furax » quand on lui a dit que le projet avait été adopté.
·         Sankara , l’assassinat…
Jeudi 15 octobre 1987, 16 heures. Une réunion doit commencer à Ouagadougou au Conseil de l’entente, dans une salle du bâtiment « Burkina ». Thomas Sankara en a fait le siège du Conseil national de la Révolution (CNR). La réunion porte sur la création d’un parti politique, un parti unique dont le but est de rassembler l’ensemble des mouvements de gauche pour sauver la révolution et faire face à la montée des contestations. Six membres de son cabinet sont présents. Thomas Sankara arrive dans sa R5 noire. Il a un peu de retard. Il est en tenue de sport - il porte un survêtement rouge -, car le jeudi est jour de « sport de masse ». Il vient de s’asseoir.  Proche collaborateur de Sankara , Alouna Traoré, qui rentre de mission du Bénin, prend le premier la parole. A noter qu’il est le seul survivant du massacre. A peine a-t-il commencé que des tirs retentissent. Alouna Traoré ne le sait pas encore, mais les tirs viennent d’un groupe de militaires qui a pris position autour du bâtiment où la réunion se tient. Le commando a abattu les gardes du corps de Thomas Sankara, sa garde rapprochée. « Sortez ! Sortez ! Sortez ! » , crient les assaillants à ceux qui sont dans la salle : « Ne bougez pas, c’est de moi qu’ils ont besoin » , lance Thomas Sankara en se levant, selon Alouna Traoré. Sankara ajuste son survêtement, se souvient Alouna Traoré, et les mains en l’air, il sort le premier de la salle. Aussitôt, il est froidement abattu sur le perron de la salle de réunion. Puis ses compagnons doivent sortir à leur tour, sous les injonctions des assaillants, les uns après les autres, par l’unique porte de sortie. Dans son témoignage, Alouna Traoré précise : « Tous ceux qui sont sortis ont connu le même sort que le PF, le président du Faso, alors même qu’ils avaient abattu celui qu’ils voulaient. » . Alouna Traoré est le dernier à sortir de la salle. « Je suis allé me coucher parmi ceux qui avaient déjà été abattus », dit-il. Puis il entend l’un des assaillants : « Y a un qui n’est pas mort, il faut le conduire dans la salle » Il le suit, pensant que sa dernière heure a sonné. « J’ai simplement demandé à celui qui m’escortait la permission d’uriner, après quoi je me disais que le temps était arrivé pour moi de partir. Mais non ! Il m’a poliment conduit à une salle où j’ai retrouvé certains collègues du Conseil de l’entente. Nous sommes restés dans la salle toute la nuit. Puis le matin, tout bonnement, on nous a demandé de rentrer chez nous. » . Des décennies après , Alouna Traoré ne sait toujours pas pourquoi il a été épargné ce jour-là. Il a fait plusieurs dépressions nerveuses. Il est marqué à jamais. Dans les différentes interviews qu’il a données à la presse, le rescapé n’a pas toujours donné les mêmes détails sur ce qui s’était passé ce jour-là. Il sait que son témoignage a été remis en question par certains. « Je suis un humain. Imaginez-vous l’émotion ! » Mais s’il reconnaît « quelques variances », comme il dit, il insiste sur l’essentiel : « Thomas Sankara a été abattu, assassiné les mains en l’air. Je dis bien les mains en l’air. Je m’en tiens au fait. »
En tout, treize personnes ont donc été tuées ce 15 octobre. Thomas Sankara, cinq participants à la réunion, cinq gardes : Emmanuel Bationo, Abdoulaye Gouem, Wallilaye Ouédraogo, Hamado Sawadogo et Noufou Sawadogo ; Der Somda, le chauffeur de Thomas Sankara ; et un gendarme, Paténéma Soré, venu distribuer un courrier, qui a également trouvé la mort ce jour-là.
Le 15 octobre 1987, après les tirs. C’est la confusion à Ouagadougou. La radio nationale interrompt ses programmes et diffuse de la musique militaire. Puis le soir, entre 19h et 20h, un militaire en tenue lit un communiqué à la radio nationale. Il y annonce la démission du président, la dissolution du Conseil national de la Révolution et proclame la création d’un Front populaire dirigé par le capitaine Blaise Compaoré.
Quelques jours plus tard, un certificat de décès de Thomas Sankara est publié dans la presse. Un certificat selon lequel Thomas Sankara est « décédé de mort naturelle ». Quant aux cadavres, ils sont enterrés en catimini, la nuit du 15 au 16, au cimetière de Dagnoen, un quartier à l’Est de Ouagadougou. Enterrés par un groupe de 20 détenus. Parmi les fossoyeurs, il y a Malick Yamba Sawadogo  qui purge une peine de douze mois de prison. Aujourd’hui, il témoigne : « Nous étions en prison. Le régisseur a appelé le chef de poste pour demander à ce qu’on lui prépare vingt détenus pour une corvée. Et j’ai demandé à mon collègue Rasmané ici présent de faire la liste… dix-neuf plus moi. On est venus nous embarquer à la maison d’arrêt. On est passés d’abord au Conseil de l’entente prendre le matériel de creusage. C’était noir, on ne voyait plus rien… Et on nous a dirigés au cimetière de Dagnoen, ici… » Ce 15 octobre 1987, quand les détenus arrivent au cimetière, on leur demande de creuser une dizaine de tombes. Puis les treize corps arrivent. « C’est la raison pour laquelle vous voyez dix tombes alignées, deux tombes en haut et une tombe avancée, celle de Thomas Sankara. Nous avons reconnu tout de suite le président Sankara, se souvient Malick Yamba Sawadogo. Il était couvert de sang, il avait le corps criblé de balles. Essentiellement à la poitrine. Quand nous avons reconnu ce corps de Thomas Sankara, tout le monde était glacé au cimetière. » Les corps sont enterrés en pleine terre. Sans dalle, sans natte, sans cercueil.
 ·         Qui a assassiné Sankara ?
Compaoré , accusé…
Officiellement, au moment de l’attaque, Blaise Compaoré se trouve chez lui. Il est souffrant. Il a une crise de paludisme, selon plusieurs sources. Dans les semaines qui suivent le coup d’État, il accorde quelques rares interviews, affirme qu’il n’a jamais donné l’ordre d’assassiner son ami, qu’il n’était pas informé d’un quelconque projet et qu’il a dû assumer le pouvoir. Le 20 Avril 1987 , sur les antennes de RfI  , il soutient « Je reproche à Thomas Sankara d’avoir par moment méprisé son peuple. »
Dans le camp des partisans de Blaise Compaoré, on évoque ce que l’on a appelé le « complot du 20 heures ». Ce 15 octobre 1987, Thomas Sankara aurait décidé de passer à l’action. Des tracts et des rumeurs d’attaque circulent alors en ville. Le bruit court que la garde de Thomas Sankara, épaulée par des forces de police de la FIMATS et les militaires du camp Kamboinsin, à une quinzaine de kilomètres du centre de la capitale, s’apprête à agir afin de neutraliser Blaise Compaoré et ses partisans. Face à cette menace, il faut agir vite. Convaincus de l’imminence de l’opération, des militaires de la garde rapprochée de Blaise Compaoré auraient décidé d’« anticiper » sans en avoir reçu l’ordre de Compaoré lui-même . Pour les fidèles de Thomas Sankara, Blaise Compaoré a tout fait pour étouffer l’affaire. Pas de sépulture décente, pas d’hommage. Aucune sanction, encore moins de procès.
Pour les proches de Thomas Sankara, cette thèse n’est pas crédible. Secrétaire général national des CDR, les Comités de défense de la Révolution, le capitaine Pierre Ouédraogo était en contact permanent avec Thomas Sankara. Il énumère les failles de cette version des faits : pour lui l’implication de Blaise Compaoré ne fait guère de doute. D’abord, fait remarquer Pierre Ouédraogo, Blaise Compaoré n’a jamais dénoncé l’acte en tant que tel. Il a plutôt tenté de le justifier. Autre élément tangible, selon lui : « Les hommes qui l’ont fait , ce sont ses hommes à lui, pas à quelqu’un d’autre, des gens de son unité qui ont agi contre le président du Faso et ces gens étaient en liberté. Par contre, nous, on a été mis en prison pour moins que ça, juste pour avoir dit que nous ne le suivions pas » . Pour le patron des CDR, Blaise Compaoré a bel et bien organisé un coup d’Etat : « Dans la normale, à supposer qu’il ait été totalement surpris par cet événement, le minimum, c’est que ce même Conseil national de la Révolution se réunisse pour voir quelles sont les mesures à prendre. Il n’y pas eu cette réunion. Au Burkina, on sait quand même ce qui se passe après un coup d’Etat, on démet le gouvernement, on suspend la Constitution, les points névralgiques sont occupés. C’est exactement ce qui s’est passé. Le fait qu’il y ait eu des actions simultanées comme la mort du capitaine Kouama Michel, commandant de l’escadron de transport et d’intervention rapide, qui aurait été tué presqu’en même temps que le président. C’est une coïncidence qui peut laisser penser qu’il y avait une organisation assez avancée pour permettre que cela se passe. D’autant plus qu’on sait que cette unité était prévue pour intervenir la première en cas de difficultés, en cas d’attaque du Conseil de l’Entente, en cas de mise en cause des institutions. C’est cette unité qui disposait des moyens pour venir rétablir l’ordre. Au lieu de cela, le commandant de cette unité a été tué presqu’en même temps. » Et Pierre Ouédraogo de conclure sur ces doutes plus que sérieux : « Ça pourrait avoir été coordonné ». Pour le journaliste écrivain Jean-Hubert Bazié, directeur de publication de l’hebdomadaire L’intrus, qui jouait le rôle de conseiller en communication de Thomas Sankara - « un conseiller et un ami », précise-t-il -, cette théorie du complot contre Compaoré , « c’est du bidon. S’il y a un complot, il faut quand même se protéger ! Il faut un dispositif spécial. On ne va pas à l’attaque sans un minimum de protection ou de dispositif de repli. De toute évidence, il n’avait pas ce dispositif-là ».
Moussa Diallo, ex-commandant adjoint de la gendarmerie dira : « Nous avions des preuves certaines, qu’il y avait un complot contre Sankara »….

A noter que jusqu’à ce jour , les réelles reponsabilités ne sont pas encore situées…
.« Tuez Sankara, des milliers de Sankara naitront…»  , c’est avec cette citation que nous refermons ce numéro de Grands d’Afrique 



Bibliographie :
 Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA , Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou , Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
Marot Jean Baptiste , archive : le coup d’Etat de Saye Zerbo , Jeune Afrique , 21 Novembre 2005
Tshitenge Lubabu , archive : Jean Baptiste Ouédraogo , Jeune Afrique , 23 Janvier 2007

Webographie :
FRENK Carine , Qui a fait tuer Sankara , Webdoc RFI , 2017
Foka Alain , archives d’Afrique Thomas Sankara , RFI , 2013
Filmographie
Zorn production international – Arte France , Thomas Sankara , l’homme intègre , 2006 , 52 minutes


Commentaires

  1. I'm giving à full respect to this man

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  2. Mes respect au capitaine Thomas Sankara

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  3. Mes respect au capitaine Thomas Sankara

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  4. Nous avons perdus plusqu'un homme

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  5. L'Afrique a perdu un Homme de valeur

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  6. Les lâches de la trempe de Blaise paieront leur Vilain acte avant de mourir. Ça a commencé. On le voit comme un quidam dans les paillotes en RCI. Ce n'est que le début. RIP Thomas Sankara.

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  7. L'Afrique a perdu tout....il était (Thomas) un fruit mûr qui rendait amer la gueule des occidents

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  8. Sankara un homme de grande est parti mais ces idées resteront toujours chez les fils digne d'Africains.RIP(Sankara)!!!!!!

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