Grands d'Afrique n°2 : Thomas Sankara
( Par Bathie Samba Diagne , étudiant au département d'histoire , Ucad )
Parcours et formation militaire… .......................................................................................
Entrée en politique… .........................................................................................................
Sankara sous le régime Saye Zerbo… .............................................................................................................
Sankara sous le régime de Jean Baptiste Ouédraogo ....................................................................................
La révolution burkinabé ............................................................................................................
Les organes de la révolution ...........................................................................................................................
Sankara et la révolution ..................................................................................................................................
Les limites de la révolution .............................................................................................................................
La brouille avec Blaise Compaoré…............................................................................................
Sankara , l’assassinat… ....................................................................................................................................
Qui a assassiné Sankara ? .............................................................................................................................
Bibliographie : .....................................................................................................................
·
Parcours
et formation militaire…
Thomas Sankara est né à Yako au centre Nord de la Haute
Volta ( actuel Burkina Faso ) le 21 Décembre 1949 , Sankara est issu d’un
métissage entre père Peul et mère Mossi . Il fera ses études primaires à Kaya .
Il fait ses études secondaires d'abord au lycée Ouezzin Coulibaly de
Bobo-Dioulasso capitale . Fils d’ancien combattant , il va rejoindre le
prytanée militaire de Kadiogo après son
brevet d’étude de premier cycle . A 20 ans , il rejoint l’académie militaire
d’Antsirabe à Madagascar . Dans ces lieux , il fait la connaissance d’un
certain Ibrahim Manaissara Baré . Là aussi , il commence à s’intéresser à la
chose politique . Il effectue des stages à l’école des parachutistes de Po et
l’école des instructeurs parachutiste de Rabat au Maroc .
Cependant , un conflit va le faire connaitre dans son
pays : le conflit à propos de la bande d’Agacher . C’est une fine langue
de terre d’une trentaine de kilomètres de long, à cheval entre le Mali et le
Burkina Faso. Depuis leurs indépendances, au début des années 1960, les deux
pays se disputent cette zone désertique riche en minerais, baptisée bande d’Agacher.
En décembre 1974, les militaires maliens et burkinabè s’opposent brièvement
pour son contrôle lors d’une première « guerre des pauvres ». Les combats ne
durent que deux jours et feront quelques morts . Pendant cette petite guerre , Le
jeune officier galvanise ses troupes et prend même pied en territoire malienne
. Les deux camps crient victoire . Une médiation des pays voisins mettra fin au
conflit entre les belligérants. La Haute Volta érige Sankara en héros . L’Armée va lui donner l’occasion de créer
son unité à Po qui sera en quelque sorte sa base .
·
Entrée en
politique…
Thomas Sankara s’intéresse de plus à l’idéologie et à la
théorie marxiste . Avec des camarades militaires, il fonde le Regroupement des
officiers communistes (ROC) dont les autres membres les plus connus sont Henri
Zongo, Boukary Kabore et Jean-Baptiste Lingani.
Il faut noter que ce regroupement n’est pas en phase avec le régime de
Sangoulé Lamizana qui a pris le pouvoir en 1966 après le départ forcé du
premier président Maurice Yaméogo .
-
Sankara sous le régime Saye Zerbo…
1980, Aboubakar Sangoulé Lamizana est déposé par Saye Zerbo
le commandant du régiment interarmes d’appui de Ouagadougou (RIA) . Dès son
accession au pouvoir, Zerbo promet de mettre fin à la corruption qui mine le
pays. Au sein du Conseil national des forces armées, il fait appel aux jeunes
officiers Thomas Sankara, Blaise Compaoré et Henri Zongo pour le seconder. Mais
le colonel prend vite des mesures impopulaires. Le chef de l’État refuse le dialogue
avec les responsables politiques, bloque les salaires et suspend le droit de
grève. Pour les Voltaïques habitués à écouter leurs leaders syndicaux, c’est la
goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Las des abus de pouvoir de Zerbo, ses plus proches collaborateurs
vont eux aussi prendre leur distance avec le chef de l’État. Thomas Sankara,
alors secrétaire d’État chargé de l’Information, remet en mai 1982 sa démission
de manière fracassante : « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple ! » lance
celui qui sera suivi peu de temps après par les capitaines Zongo et Compaoré.
Le trio sera mis aux arrêts et exilé loin de la capitale. La punition sera dure
pour Sankara : il est placé aux arrêts de rigueur pendant 2 mois , il est maintenu en résidence surveillé et
déchu de son grade de capitaine . La rupture est consommée avec le régime Saye
Zerbo .
Le 6 novembre 1982, en début d’après-midi, Saye Zerbo quitte
son bureau pour regagner le camp militaire où loge sa famille. Et décide de
prendre un peu de repos… À 17 heures, la présidence est isolée du monde. Des
militaires ont pris position sur les artères de la capitale. C’est un coup
d’État. Un nouvel homme fort prend le pouvoir : il s’appelle Jean-Baptiste
Ouédraogo.
-
Sankara sous le régime de Jean Baptiste Ouédraogo
Il faut noter que ce dernier a été un président choisi par
défaut en quelque sorte . Il dira : « Le coup d’État avait été
préparé au seul profit de Thomas Sankara, mais Sankara a décliné l’offre au
dernier moment. On m’a, enfin, choisi contre mon gré, parce que j’étais
l’officier le plus ancien dans le grade de commandant ». Sans expérience
politique ni base idéologique à l’inverse de son Premier ministre Sankara,
Ouédraogo est vite débordé par l’aile gauche du Conseil de salut du peuple
(CSP), qui le trouve conservateur et profrançais. A noter que Sankara est premier
ministre de ce gouvernement . Avec la nomination de Sankara comme numéro 2 du
régime , débutent les bisbilles . Sankara avec ses prises de position fait de
l’ombre au chef de l’Etat . A , noter que les deux ne sont pas d’accord sur les
orientations politiques à suivre . Le chef de l’État, « libéral et démocrate
sincère », doit affronter des « marxistes purs et durs ». Derrière ces derniers
se trouve la Libye de Muhammar Khadafi , alors que lui est « l’ami des Français
». Le 16 mai 1983, Guy Penne, conseiller du président français François
Mitterrand, débarque à Ouagadougou. Le lendemain, Thomas Sankara est mis aux
arrêts. Une Coïncidence troublante qui
laisse supposer que Sankara aurait été écarté sur décision de la France . Dans
la garnison de Pô, au sud du pays, Blaise Compaoré prépare la réplique. Mission
accomplie le 4 août 1983. On note qu’au moment où les opérations du putsch
débutent , Sankara avait trouvé avec Jean Baptiste Ouédraogo un consensus et
essayait de rappeler Blaise Compaoré mais c’était trop tard . Ainsi donc , le 4
aout 1983 , jour de la fête nationale ,
la Haute volta entre dans l’ère de la révolution.
·
La
révolution burkinabé
Dès l’entame , Sankara fait savoir que les militaires ne
sont pas venus pour partir aussitôt . Il soutient que les militaires font parti
de la société et doivent souffrir et gagner avec le peuple . Ainsi donc le premier gouvernement de la révolution
sera composé de 15 civils et de 5 militaires qui détiennent les postes clés
. Thomas Sankara est le président du
C.N.R ( conseil national de révolution) , ministre de l’intérieur et de la
sécurité . Blaise Compaoré est ministre d’Etat chargé de la présidence , numéro
2 du régime . Jean Baptiste Lingani gère la défense nationale , Henri Zongo est
le ministre des sociétés d’Etat et Abdou Salam Kaboré est à la Santé .
-
Les organes de la révolution
A noter que la révolution s’appuie sur des organes bien déterminés. D’ores et déjà il faut noter le Comité de
défense de la révolution ( C.D.R.) . Ils sont constitues par «
d'inconditionnels de la révolution » et son charger de la bonne marche de
la révolution et de mettre hors état de nuire ses ennemis . Après les C.D.R
, on note les Tribunaux populaires de la révolution ( T.P.R. ) . Le Tribunal
Populaire de la Révolution (TPR) fut la toute première juridiction populaire
créée par le Comité National de la révolution ( C.N.R. ). Lors de l’ouverture
le 3 janvier 1984 , Thomas Sankara dira : « La création des Tribunaux
populaires révolutionnaires se justifie par le fait, qu’en lieu et place des
tribunaux traditionnels, le peuple voltaïque entend désormais matérialiser dans
tous les domaines, dans tous les secteurs de la société, le principe de la
participation effective des classes laborieuses et exploitées à
l’administration et à la gestion des affaires de l’Etat.
Les juges des Tribunaux populaires révolutionnaires ont été
choisis au sein des travailleurs et par les seuls travailleurs avec la mission
d’accomplir la volonté du peuple. Pour ce faire, nul besoin pour eux, de
connaître les vieilles lois. Etant issus du peuple, il suffit qu’ils se
laissent guider par le sentiment de la justice populaire…» . le TPR avait pour
compétence le jugement des crimes et délits politiques contre la sûreté
intérieure et extérieure de l'Etat, des cas de détournement de deniers publics
dont il jugeait utile de se saisir et de façon globale de tous les crimes et
délits commis par des fonctionnaires, agents et préposés de l'Etat dans
l'exercice de leur fonction. L'objectif du CNR était de bénéficier d'une
assistance populaire. Pour cette raison, les séances de TPR avaient été
ouvertes à tous ceux qui voulaient suivre les procès. Les débats étaient
retransmis sur les antennes de la radio nationale pour permettre à qui le
voulait bien d'être à l'écoute. Au-delà de la volonté de cette matérialisation
de la participation populaire, comprenons que cette propagande visait à offrir
au TPR l'opportunité de jouer son rôle dans le projet révolutionnaire de
conscientisation et de responsabilisation de la société. Il faut noter aussi le
mouvement des pionniers ou les jeunes burkinabés sont éduqués sur la base d’une
idéologie nouvelle afin qu’ils puissent continuer la révolution après .
·
Sankara
et la révolution
Sankara ouvre une nouvelle ère en rompant avec les pratiques
connus jusque là . En vertu d’une ordonnance du 2 août 1984, le capitaine
Thomas Sankara, désireux de faire table rase du « passé réactionnaire et
néocolonial », rebaptise la Haute-Volta en République démocratique et populaire
du Bourkina Fâso (orthographe originelle). Le premier mot signifie « homme
intègre » en langue mooré et le second « terre natale » en dioula, soit « le
pays des hommes intègres ». Ses sept millions d’habitants ne sont plus des
Voltaïques mais des Burkinabè. Thomas Sankara vend les luxueux voitures du
gouvernement et les remplace par d’autres plus modestes . Sankara lutte contre
l’écart entre pauvres et riches . Il construit des villas pour les pauvres et
décide de la gratuité du loyer pour l’année 1985 . Coté gouvernement , il
initie une politique d’austérité . Les ministres ne voyagent plus en première
classe . Il faut noter qu’à chaque fois Sankara montre l’exemple . Lors de sa déclaration de patrimoine , il
évoque ses biens : « En matière de biens immobiliers, je citerai
d’abord un réfrigérateur, je signale qu’il est en panne . Cet appareil n’est
pas actuellement à ma disposition. Il a été prêté à un couple d’amis, parce que
de par mes fonctions, j’ai reçu ce matériel au palais de la Présidence. Je
possède également deux téléviseurs avec magnétoscope qui sont installés à mon
domicile et dans mon salon de travail. J’ai également installé un téléviseur à
mon lieu de travail, parce que j’ai souvent besoin, partout où je me trouve
d’être à l’écoute de nouvelles du monde . Je possède également trois
guitares sèches. Je les cite parce que leur attribue beaucoup de valeur. Comme
biens immobiliers, je possède une villa à la cité BND, au secteur 2. Elle a été
acquise par engagement auprès de la BND-B sur prêt N° 313/109-862 en décembre
1976. Je suis soumis à un remboursement en 120 mensualités et à ce jour, il
reste à payer à la banque la somme de 678824F que je règle par des mensualités
de 31944F ». Avec la révolution , les ministres ne se hissent plus en haut de
la perche pour y rester , ils descendent sur le terrain et travaillent avec le
peuple . Sankara remet en cause le statu de la femme et s’évertue à le
développer . . Il initie « la journée du mari au marché » en l’occasion
de la journée de la femme .
Il prone aussi le la politique du «
consommer local » . L’agriculture est boostée et les résultats sont bons . Dans
ce méme canal , il encourage les tisserands burkinabés à travers le Faso
Danfani , un habit que tous les fonctionnaires et ministres devaient porter et
Sankara vérifiait cela . Il aménage le calendrier , désormais chaque semaine ,
les burkinabés doivent au moins faire du sport un jour , Jeudi , jour du
sport de masse . A l’occasion des cérémonies de réjouissance , il pousse ses
compatriotes à planter un arbre . L’agriculture , il y tenait . Lorsque la
France lui propose des véhicules pour son gouvernement , il préfère prendre des
camions pour le transport des produits agricoles . Sankara voulait aussi que
chaque burkinabé s’investisse pour le développement .
Le 1er février 1985, le capitaine Thomas
Sankara, chef de la révolution, lance le projet sous la dénomination : « La
bataille du rail ». Ce sont les ressources propres au pays qui ont servi
d’achat de matériel estimé à environ un milliard de Francs CFA à la fin du
régime du CNR. Les ouvriers, c’est le peuple à travers ses composantes !
Femmes, jeunes, personnes âgées, élève ont participé à la pose des rails, bénévolement,
jour férié ou non. A noter que la banque mondiale était réticent à ce projet
car elle privilégie la construction de routes . Le lancement de « la bataille
du rail » avait coïncidé avec la tenue du Festival panafricain du cinéma de
Ouagadougou (FESPACO). Des cinéastes de divers pays ont participé de leur bras
au projet. En deux ans, le pouvoir révolutionnaire a pu réaliser 30 km de voie
ferrée (Ouaga-Donsé).
-
Les limites
de la révolution
Avec les T.P.R. , on constate des
dérives . En effet avec cet organe complexe , des personnes en profitent
pour régler des comptes . On note aussi que le gouvernement n’avait pas la même
conception de la révolution que Sankara . On note aussi qu’avec la révolution , il
y’avait pas de partis politiques ce qui bloque l’expression plurielle . Il
y’avait bien des restrictions dans la presse . D’un autre coté, l’austérité que
Sankara imposait ne plaisait pas à tous ses ministres et certains de ces
derniers travaillaient sans conviction réelle . Au fil des mois, avec les
erreurs et les abus de la révolution, l’enthousiasme populaire commence, lui
aussi, à faiblir. Les frustrations s’accumulent. Le mécontentement grandit,
comme l’observe Etienne Traoré, secrétaire général du Syndicat national du
secondaire et du supérieur (SNES) : « Des gens disaient qu’ils n’étaient pas
contents de la révolution. Sankara en était conscient. Les travailleurs
devaient subir beaucoup de sacrifices. Les salaires, il fallait les augmenter
au lieu de passer le temps à égratigner des parties ». Quant aux chefs
traditionnels, le régime s’était attaqué à leurs pouvoirs. « Dès le départ, ils
se sont recroquevillés sur eux-mêmes. » Le syndicaliste parle de « rupture totale
».
·
La brouille avec Blaise Compaoré…
Basile Guissou,
qui fut dans tous les gouvernements du 24 août 1983 au 4 août 1987 , l’atteste
: « L’attelage portait les germes de la crise. C’était le roi et le faiseur de
roi. Tout le monde savait que le coup d’Etat du 4 août 1983 qui porta Thomas
Sankara au pouvoir était d’abord l’œuvre de Blaise Compaoré et de ses
commandos. Sankara, lui, était le roi. Donc il y avait ce rapport : "qui
t’a fait roi". Même en Conseil des ministres, on ne s’adressait pas à Blaise
Compaoré comme aux autres ministres ». Selon lui, le conflit était « latent »
et, même s’il n’était pas ouvert, il était là. « Au fil de l’exercice du
pouvoir, l’un ou l’autre veut s’affirmer. » . Le capitaine Pierre Ouédraogo,
patron des Comités de défense de la Révolution (CDR), un des personnages clés
de cette époque, a décelé pour sa part des signes de changement chez Blaise
Compaoré, surtout après son mariage, le 29 juin 1985, avec la Franco-Ivoirienne
Chantal Terrasson de Fougères, dont on disait que la famille était proche de
Félix Houphouët-Boigny, président de la Côte d’Ivoire.
·
Sankara , l’assassinat…
Jeudi 15 octobre 1987, 16 heures. Une réunion doit commencer
à Ouagadougou au Conseil de l’entente, dans une salle du bâtiment « Burkina ».
Thomas Sankara en a fait le siège du Conseil national de la Révolution (CNR).
La réunion porte sur la création d’un parti politique, un parti unique dont le
but est de rassembler l’ensemble des mouvements de gauche pour sauver la
révolution et faire face à la montée des contestations. Six membres de son
cabinet sont présents. Thomas Sankara arrive dans sa R5 noire. Il a un peu de
retard. Il est en tenue de sport - il porte un survêtement rouge -, car le
jeudi est jour de « sport de masse ». Il vient de s’asseoir. Proche collaborateur de Sankara , Alouna
Traoré, qui rentre de mission du Bénin, prend le premier la parole. A noter
qu’il est le seul survivant du massacre. A peine a-t-il commencé que des tirs
retentissent. Alouna Traoré ne le sait pas encore, mais les tirs viennent d’un
groupe de militaires qui a pris position autour du bâtiment où la réunion se
tient. Le commando a abattu les gardes du corps de Thomas Sankara, sa garde
rapprochée. « Sortez ! Sortez ! Sortez ! » , crient les assaillants à ceux qui
sont dans la salle : « Ne bougez pas, c’est de moi qu’ils ont besoin » , lance
Thomas Sankara en se levant, selon Alouna Traoré. Sankara ajuste son
survêtement, se souvient Alouna Traoré, et les mains en l’air, il sort le
premier de la salle. Aussitôt, il est froidement abattu sur le perron de la
salle de réunion. Puis ses compagnons doivent sortir à leur tour, sous les
injonctions des assaillants, les uns après les autres, par l’unique porte de
sortie. Dans son témoignage, Alouna Traoré précise : « Tous ceux qui sont
sortis ont connu le même sort que le PF, le président du Faso, alors même
qu’ils avaient abattu celui qu’ils voulaient. » . Alouna Traoré est le dernier
à sortir de la salle. « Je suis allé me coucher parmi ceux qui avaient déjà été
abattus », dit-il. Puis il entend l’un des assaillants : « Y a un qui n’est pas
mort, il faut le conduire dans la salle » Il le suit, pensant que sa dernière
heure a sonné. « J’ai simplement demandé à celui qui m’escortait la permission
d’uriner, après quoi je me disais que le temps était arrivé pour moi de partir.
Mais non ! Il m’a poliment conduit à une salle où j’ai retrouvé certains
collègues du Conseil de l’entente. Nous sommes restés dans la salle toute la
nuit. Puis le matin, tout bonnement, on nous a demandé de rentrer chez nous.
» . Des décennies après , Alouna Traoré ne sait toujours pas pourquoi il a
été épargné ce jour-là. Il a fait plusieurs dépressions nerveuses. Il est
marqué à jamais. Dans les différentes interviews qu’il a données à la presse,
le rescapé n’a pas toujours donné les mêmes détails sur ce qui s’était passé ce
jour-là. Il sait que son témoignage a été remis en question par certains. « Je
suis un humain. Imaginez-vous l’émotion ! » Mais s’il reconnaît « quelques
variances », comme il dit, il insiste sur l’essentiel : « Thomas Sankara a été
abattu, assassiné les mains en l’air. Je dis bien les mains en l’air. Je m’en
tiens au fait. »
En tout, treize personnes ont donc été tuées ce 15 octobre.
Thomas Sankara, cinq participants à la réunion, cinq gardes : Emmanuel Bationo,
Abdoulaye Gouem, Wallilaye Ouédraogo, Hamado Sawadogo et Noufou Sawadogo ; Der
Somda, le chauffeur de Thomas Sankara ; et un gendarme, Paténéma Soré, venu
distribuer un courrier, qui a également trouvé la mort ce jour-là.
Le 15 octobre 1987, après les tirs. C’est la confusion à
Ouagadougou. La radio nationale interrompt ses programmes et diffuse de la
musique militaire. Puis le soir, entre 19h et 20h, un militaire en tenue lit un
communiqué à la radio nationale. Il y annonce la démission du président, la
dissolution du Conseil national de la Révolution et proclame la création d’un
Front populaire dirigé par le capitaine Blaise Compaoré.
Quelques jours plus tard, un certificat de décès de Thomas
Sankara est publié dans la presse. Un certificat selon lequel Thomas Sankara
est « décédé de mort naturelle ». Quant aux cadavres, ils sont enterrés en
catimini, la nuit du 15 au 16, au cimetière de Dagnoen, un quartier à l’Est de
Ouagadougou. Enterrés par un groupe de 20 détenus. Parmi les fossoyeurs, il y a
Malick Yamba Sawadogo qui purge une
peine de douze mois de prison. Aujourd’hui, il témoigne : « Nous étions en
prison. Le régisseur a appelé le chef de poste pour demander à ce qu’on lui
prépare vingt détenus pour une corvée. Et j’ai demandé à mon collègue Rasmané
ici présent de faire la liste… dix-neuf plus moi. On est venus nous embarquer à
la maison d’arrêt. On est passés d’abord au Conseil de l’entente prendre le
matériel de creusage. C’était noir, on ne voyait plus rien… Et on nous a
dirigés au cimetière de Dagnoen, ici… » Ce 15 octobre 1987, quand les détenus
arrivent au cimetière, on leur demande de creuser une dizaine de tombes. Puis
les treize corps arrivent. « C’est la raison pour laquelle vous voyez dix
tombes alignées, deux tombes en haut et une tombe avancée, celle de Thomas
Sankara. Nous avons reconnu tout de suite le président Sankara, se souvient
Malick Yamba Sawadogo. Il était couvert de sang, il avait le corps criblé de
balles. Essentiellement à la poitrine. Quand nous avons reconnu ce corps de
Thomas Sankara, tout le monde était glacé au cimetière. » Les corps sont
enterrés en pleine terre. Sans dalle, sans natte, sans cercueil.
·
Qui a
assassiné Sankara ?
Compaoré , accusé…
Officiellement, au moment de l’attaque, Blaise Compaoré se
trouve chez lui. Il est souffrant. Il a une crise de paludisme, selon plusieurs
sources. Dans les semaines qui suivent le coup d’État, il accorde quelques
rares interviews, affirme qu’il n’a jamais donné l’ordre d’assassiner son ami,
qu’il n’était pas informé d’un quelconque projet et qu’il a dû assumer le
pouvoir. Le 20 Avril 1987 , sur les antennes de RfI , il soutient « Je
reproche à Thomas Sankara d’avoir par moment méprisé son peuple. »
Dans le camp des partisans de Blaise Compaoré, on évoque ce
que l’on a appelé le « complot du 20 heures ». Ce 15 octobre 1987, Thomas
Sankara aurait décidé de passer à l’action. Des tracts et des rumeurs d’attaque
circulent alors en ville. Le bruit court que la garde de Thomas Sankara,
épaulée par des forces de police de la FIMATS et les militaires du camp
Kamboinsin, à une quinzaine de kilomètres du centre de la capitale, s’apprête à
agir afin de neutraliser Blaise Compaoré et ses partisans. Face à cette menace,
il faut agir vite. Convaincus de l’imminence de l’opération, des militaires de
la garde rapprochée de Blaise Compaoré auraient décidé d’« anticiper » sans en
avoir reçu l’ordre de Compaoré lui-même . Pour les fidèles de Thomas Sankara,
Blaise Compaoré a tout fait pour étouffer l’affaire. Pas de sépulture décente,
pas d’hommage. Aucune sanction, encore moins de procès.
Pour les proches de Thomas Sankara, cette thèse n’est pas
crédible. Secrétaire général national des CDR, les Comités de défense de la
Révolution, le capitaine Pierre Ouédraogo était en contact permanent avec
Thomas Sankara. Il énumère les failles de cette version des faits : pour lui
l’implication de Blaise Compaoré ne fait guère de doute. D’abord, fait
remarquer Pierre Ouédraogo, Blaise Compaoré n’a jamais dénoncé l’acte en tant
que tel. Il a plutôt tenté de le justifier. Autre élément tangible, selon lui :
« Les hommes qui l’ont fait , ce sont ses hommes à lui, pas à quelqu’un
d’autre, des gens de son unité qui ont agi contre le président du Faso et ces
gens étaient en liberté. Par contre, nous, on a été mis en prison pour moins
que ça, juste pour avoir dit que nous ne le suivions pas » . Pour le
patron des CDR, Blaise Compaoré a bel et bien organisé un coup d’Etat : « Dans
la normale, à supposer qu’il ait été totalement surpris par cet événement, le
minimum, c’est que ce même Conseil national de la Révolution se réunisse pour
voir quelles sont les mesures à prendre. Il n’y pas eu cette réunion. Au
Burkina, on sait quand même ce qui se passe après un coup d’Etat, on démet le
gouvernement, on suspend la Constitution, les points névralgiques sont occupés.
C’est exactement ce qui s’est passé. Le fait qu’il y ait eu des actions
simultanées comme la mort du capitaine Kouama Michel, commandant de l’escadron
de transport et d’intervention rapide, qui aurait été tué presqu’en même temps
que le président. C’est une coïncidence qui peut laisser penser qu’il y avait
une organisation assez avancée pour permettre que cela se passe. D’autant plus qu’on
sait que cette unité était prévue pour intervenir la première en cas de
difficultés, en cas d’attaque du Conseil de l’Entente, en cas de mise en cause
des institutions. C’est cette unité qui disposait des moyens pour venir
rétablir l’ordre. Au lieu de cela, le commandant de cette unité a été tué
presqu’en même temps. » Et Pierre Ouédraogo de conclure sur ces doutes plus que
sérieux : « Ça pourrait avoir été coordonné ». Pour le journaliste écrivain
Jean-Hubert Bazié, directeur de publication de l’hebdomadaire L’intrus, qui
jouait le rôle de conseiller en communication de Thomas Sankara - « un
conseiller et un ami », précise-t-il -, cette théorie du complot contre
Compaoré , « c’est du bidon. S’il y a un complot, il faut quand même se
protéger ! Il faut un dispositif spécial. On ne va pas à l’attaque sans un
minimum de protection ou de dispositif de repli. De toute évidence, il n’avait
pas ce dispositif-là ».
Moussa Diallo, ex-commandant adjoint de la gendarmerie
dira : « Nous avions des preuves certaines, qu’il y avait un complot
contre Sankara »….
A noter que jusqu’à ce jour , les réelles reponsabilités ne
sont pas encore situées…
.« Tuez Sankara, des milliers de Sankara
naitront…» , c’est avec cette citation
que nous refermons ce numéro de Grands d’Afrique
Bibliographie :
Kakiswendépoulmdé
Marcel Marie Anselme LALSAGA , Les
Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National
de la Révolution(CNR)de 1983 à 1987: une
approche historique à partir de la ville
de Ouagadougou , Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
Marot Jean Baptiste , archive :
le coup d’Etat de Saye Zerbo , Jeune Afrique , 21 Novembre 2005
Tshitenge Lubabu ,
archive : Jean Baptiste Ouédraogo , Jeune Afrique , 23 Janvier 2007
Webographie :
FRENK Carine , Qui a
fait tuer Sankara , Webdoc RFI , 2017
Foka Alain , archives
d’Afrique Thomas Sankara , RFI , 2013
Filmographie
Zorn production international – Arte France , Thomas Sankara , l’homme intègre , 2006
, 52 minutes
I'm giving à full respect to this man
RépondreSupprimerMes respect au capitaine Thomas Sankara
RépondreSupprimerMes respect au capitaine Thomas Sankara
RépondreSupprimerMerci et encore merci
RépondreSupprimerNous avons perdus plusqu'un homme
RépondreSupprimerL'Afrique a perdu un Homme de valeur
RépondreSupprimerLes lâches de la trempe de Blaise paieront leur Vilain acte avant de mourir. Ça a commencé. On le voit comme un quidam dans les paillotes en RCI. Ce n'est que le début. RIP Thomas Sankara.
RépondreSupprimerL'Afrique a perdu tout....il était (Thomas) un fruit mûr qui rendait amer la gueule des occidents
RépondreSupprimerSankara un homme de grande est parti mais ces idées resteront toujours chez les fils digne d'Africains.RIP(Sankara)!!!!!!
RépondreSupprimer