Nous continuons toujours à revisiter l'histoire des grands hommes africains. Voici le septième  numéro de Grands d'Afrique qui porte sur Ruben Um Nyobe . Bonne lecture




Sommaire
Introduction
v Enfance  et Parcours
v Entrée en politique 
1.    Le statu du Cameroun 
2.    L’essor du Syndicalisme 
3.    Um Nyobe et l’avènement de l’UPC 
v La lutte pour l’indépendance et l’unification du Cameroun 
1.    Les Plaidoyers à l’Onu
2.    Les événements de Mai 1955
3.    L’UPC, « persona non grata »
v Le Maquis
1.    Um Nyobe face à l’administration coloniale
2.    La loi cadre et les mutations politiques
3.    La traque des « maquisards »
v L’assassinat
1.    Le contexte
2.    Le film de l’assassinat

       Bibliographie


v Enfance et parcours
Um Nyobe est né en 1913 à Song Peck près de Boumnyébel à 180 kilomètres de Douala. Son père est un adepte des cultes traditionnels. Le petit Um Nyobe ne connaitra pas sa mère qui meurt peu de temps après sa naissance. Sa belle-mère va se charger de son éducation. Um Nyobe, selon la volonté de son père devait être initié au culte traditionnel. Cependant, avec l’aide de sa belle-mère qui va réussir à convaincre son père, le jeune Um Nyobe va être envoyé à l’école.  En 1920 donc, il entre à l´école presbytérienne de Makaï où il est baptisé « Ruben » en 1921. En 1924, il quitte cette école pour l´école d´Ilanga près de l’arrondissement d´Eséka où il obtient son certificat d´études primaires en 1929 puis il intègre en 1931, l´École normale de Foulassi en région Bulu, tenue également par les presbytériens, école qui forme des instituteurs. Il est renvoyé de cette école, l´année où il doit obtenir son diplôme de fin d´études, accusé d´être toujours prompt à prendre la tête des mouvements de revendication et de protestation. Il obtiendra néanmoins son diplôme de fin d´études, en temps que candidat libre. Il enseigne pendant quelques années dans les écoles presbytériennes.
En 1935, il est admis au concours des commis des services civils et financiers. Il poursuit ses études en travaillant et obtient par correspondance sa première partie du baccalauréat en 1939. La même année il est affecté au greffe du tribunal d´Édéa. Dans l´exercice de son métier, il se passionne pour le droit. Ce faisant, il découvre l´injustice à laquelle sont soumis les camerounais, à travers le système de l´indigénat. En effet, la loi distingue les indigènes (camerounais) considérés comme des sujets et les français considérés comme des citoyens. La loi ne laisse aucune possibilité d´expression pour la lutte politique ou pour la défense des droits des travailleurs aux indigènes.

v Entrée en politique

1.    Le statu du Cameroun
Territoire placé sous la tutelle des Nations unies, le Cameroun n’était pas à proprement parler une « colonie ». Ce statut juridique particulier offrait théoriquement plus de droits aux populations locales et donnait à l’ONU un droit de regard sur la gestion du pays par les puissances (France et Grande-Bretagne), lesquelles s’étaient engagées en signant les accords de tutelle à amener le pays à « l’autogouvernement » ou à « l’indépendance ».
Cette configuration eut une double conséquence : elle favorisa l’émergence, au sein des populations camerounaises, d’un très fort mouvement populaire qui revendiquait l’application effective des droits qui leur étaient reconnus, ce qui eut pour effet la deuxième conséquence qu’est le durcissement de la position de la France, principale puissance qui administrait le pays, qui n’avait nullement l’intention de respecter ses engagements internationaux.

2.    L’essor du syndicalisme
En 1944, lors de la conférence de Brazzaville, Charles De Gaulle promet une évolution du statu des colonies et autorise l’organisation de syndicats. Un an plus tard, grâce à l´appui de la Confédération Générale des Travailleurs (CGT), syndicat français proche du parti communiste français, Um Nyobe participe à la création de l´Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (USCC) dont il devient le secrétaire général adjoint. Il va alors consacrer son énergie à créer une multitude de syndicats qu´il réussit à fédérer en unions syndicales régionales résolument engagées en faveur de la reconnaissance des droits du travailleur camerounais. L´USCC est une initiative du Cercle d’Études Sociales et Syndicales ou Cercle d´Études Marxistes.
Mis en place par le français Gaston Donnat et ses amis dont Maurice Méric, le Cercle est une sorte d´école de formation au syndicalisme où on analyse et étudie le système d´exploitation économique et politique du régime colonial. Dès juin 1944, de jeunes fonctionnaires camerounais participent aux premières réunions : Zolo, maître d’école, Ruben Um Nyobè, greffier, Jacques N’gom employé de l’administration, Charles Assalé, infirmier, Ekabissé, postier, Sakouma, employé, André Fouda, Tchoumba Ngouankeu,… Malgré les nombreuses défections la plupart seront très assidus aux conférences données par les syndicalistes de la CGT. Dans le Cercle d’Études donc, on développe l´idée selon laquelle le système d´exploitation des travailleurs s´appuie sur le statut colonial du Cameroun et que l´amélioration du sort des travailleurs passe nécessairement par l´émancipation politique du Cameroun. On consent alors que l´indépendance seule peut permettre l´amélioration du sort des travailleurs et des masses laborieuses. L´indépendance du Cameroun devient alors pour Um Nyobe, un objectif stratégique autour duquel viendra se greffer celui la réunification. En 1946, le gouvernement français autorise la création de partis politiques au Cameroun. L’occasion se présente. Un an plus tard, le 6 avril 1947 des fonctionnaires dont fait parti Ruben Un Nyobe crée le RACAM (Rassemblement camerounais), front anticolonialiste qui réclame la fin des mandats tutélaires, en application de la charte des Nations unies, et la réunification du Cameroun. Le parti est interdit au bout de deux mois. Plusieurs membres du Bureau dont Um Nyobe qui étaient fonctionnaires, reçoivent des affectations arbitraires dans les postes de brousse.

3.    Um Nyobe et l’avènement de l’Upc
Samedi 10 avril 1948, dans un café-bar de Douala-Bassa dénommé « Chez Sierra », un groupe de douze nationalistes camerounais fonde l’Union des Populations du Cameroun. Les douze présents sont : Jacques Ngom, Charles Assalé, Guillaume Hondt, Joseph Raymond Etoundi, Léopold Moumé Etia, Georges Yémi, Théodore Ngosso, Guillaume Bagal, Léonard MBouli, Emmanuel Yap, Jacques-Réné Bidoum et Manga Mado.
Pour ne pas éveiller les soupçons de la police, les initiateurs avaient décidé de ne pas insérer les têtes de proue des mouvements syndicaux qui étaient fichés par la police. Ainsi donc, Léonard Mbouli est nommé secrétaire général. En Avril 1948 , on estime les adhérents à plus d’une centaine. En Novembre 1948, suite à un plébiscite, Ruben Um Nyobe est élu secrétaire général de l’UPC, à Douala, à l’occasion d’un Comité directeur élargi.
L’UPC devient en janvier 1949, une branche territoriale du RDA comme c’est le cas au Mali où le mouvement est animé par Modibo Keïta, au Niger par Djibo Bakary et en Guinée par Sékou Touré. Le Rassemblement démocratique africain (RDA) est une fédération de partis politiques africains fondée à l’issue du Congrès de Bamako en 1946. Il fait partie des principaux partis fédéraux revendiquant la création d’une fédération des partis politiques d’Afrique au moment des indépendances.
Lors de ce congrès de Janvier 1949 aussi, Ruben Um Nyobe est nommé vice président du RDA derrière Félix Houphouët-Boigny. En 1951, c’est le divorce entre l’UPC et le RDA. L’UPC maintient sa ligne révolutionnaire et refuse de suivre le RDA quand le mouvement que dirige Félix Houphouët-Boigny inaugure une politique de collaboration avec l’administration coloniale, cédant aux pressions de François Mitterrand, député de la Nièvre, ministre de la France d’outre-mer dans le cabinet René Pleven.
Cependant, l’administration française ne restera pas de marbre face à l’avènement et au rayonnement de l’UPC. Le conflit entre la police et les militants de l’Upc est régulier. En cette période de guerre froide aussi, l’Upc est taxée d’organisation communiste.

v La lutte pour l’indépendance et l’Unification du Cameroun

1.    Plaidoyers à l’ONU
En Décembre 1952, Ruben Um Nyobe se rend à New York où il prononce un réquisitoire contre la France à l’Organisation des Nations Unies (ONU) devant la commission de tutelle. Dans ce réquisitoire, il démontre que la France administre le Cameroun de la même façon que ses propres colonies, avec l’intention d’incorporer dans l’empire français alors que le Cameroun est une pupille de l’ONU qui en a seulement confié la tutelle à la France. Il dénonce les lenteurs de la France pour mettre en place les réformes politiques au Cameroun. Il souligne que ces réformes doivent tenir compte de la spécificité du Cameroun, autrefois uni sous le protectorat allemand, maintenant divisé en deux parties dont la partie occidentale est placée sous l’administration anglaise et la partie orientale sous administration française. Il insiste sur la nécessité de la réunification des deux Cameroun qui doivent politiquement évoluer ensemble.
De retour au Cameroun au début de 1953, Um Nyobe fait imprimer le texte de son intervention aux Nations Unies sous la forme d’un mémorandum intitulé : « Que veut le Cameroun ? ». Dans ce texte, on peut retenir que le Cameroun veut la réunification des deux Cameroun d’une part, et l’indépendance d’autre part. Um Nyobe qui a trouvé une tribune attentive à l’ONU y retourne en Décembre 1953 où il accuse encore la France de retarder l’émancipation du Cameroun.
En Janvier 1954, il demande à la France d’organiser un référendum sur la question de la réunification et de fixer un délai pour la fin de la tutelle et l’accession à l’indépendance.

(Ruben Um Nyobe)


2.    Les événements de Mai 1955
Le mois de Mai 1955 est un tournant décisif dans la lutte pour l’indépendance. Il faut noter déjà qu’en décembre 1954, André Soucadaux, haut-commissaire au Cameroun depuis 1949 est muté à Madagascar et remplacé par Roland Pré qui avait été gouverneur au Gabon, en Guinée-Conakry et en Haute-Volta. Au printemps 1955, Roland Pré tente de briser le support populaire de l’UPC. Il réforme l'administration locale en faisant élire des chefs de villages modérés, organise une alliance des partis modérés et conservateurs, puis lance une politique de répression contre l'UPC. D’avril à mai 1955, toutes les réunions de l’UPC sont interdites. Pendant que le parti pose le problème politique, Roland Pré lui oppose des solutions économiques dans un contexte où la chute drastique des prix des matières premières fait de nombreux mécontents au sein des planteurs. Roland Pré va multiplier des communes rurales présidées par un administrateur local ainsi que des conseils de villages. Dans cette démarche on peut voir en filigrane le fait de vouloir associer le plus largement possible les masses rurales à la gestion des affaires afin de briser la poussée upéciste au sein des masses paysannes.
Au début des incidents de Mai 1955, les militants indépendantistes décident de ne plus reculer devant la troupe coloniale, pour eux celle-ci n’oserait pas tirer sur la foule parce que le Cameroun est un territoire sous-tutelle des Nations unies. En faisant cette interprétation, les upécistes n’avaient pas bien mesuré la détermination de la France qui veut bien conserver ce territoire dans son giron.
Le 22 Mai 1955, les autorités interdisent une réunion de l'UPC à Mbanga. Les militants passent outre l'interdiction. Les forces de l'ordre chargent. Les Upécistes résistent. Un policier est tué. La situation s'envenime et les émeutes gagnent tout le Sud Cameroun, notamment Douala. Le 26 Mai, le Gouverneur Roland Pré qui a fait venir les forces françaises stationnées au Congo, mate l'insurrection à Douala. Il y'a des dizaines de morts et de blessés. Six cent dix sept Upécistes sont officiellement arrêtés.
3.    L’UPC, persona non grata
Le 13 juillet 1955, l’UPC et les autres mouvements progressistes JDC (Jeunesse Démocratique Chrétienne) et UDEFEC (Union Démocratique des Femmes Camerounaises) sont interdits par un décret émis par le gouvernement d’Edgar Faure. Um Nyobe s’atèle à démontrer que « que le gouvernement français veut organiser des élections dans un vide politique, dans le seul dessein de mettre en place une assemblée croupion, pour accepter servilement l’intégration du Cameroun dans l’empire colonial français ».
Les quotidiens français décrivent dans plusieurs numéros la situation au Cameroun. Par exemple, dans le journal Le Monde du 26 juin 1954, Pierre-Albin Martel écrit : « C’est un fait en tout cas que l’UPC inquiète les autorités et nul observateur ne m’a assuré qu’il faille la considérer à la légère. Son influence est grande à Douala et sur l’autre rive du Wouri elle affleure la région de Yaoundé et s’étend largement plus au Sud. On estime que les fonctionnaires africains, même s’ils gardent de l’affirmer ouvertement, sont dans leur ensemble acquis à l’Union des Populations du Cameroun. »
C'est dans cette atmosphère que l'église catholique choisit l’idée de mettre en garde les fidèles contre l'UPC. En pleine période pascale, la conférence épiscopale fait lire dans toutes les églises une lettre violente contre l'UPC :
 « Nous mettons les chrétiens en garde contre les tendances actuelles du parti politique connu sous le nom de l'Union des Populations du Cameroun, en raison non pas de la cause de l'indépendance qu'il défend, mais de l'esprit qui l'anime. » Cette lettre allume la mèche qui va embraser le Cameroun. Il faut relever en effet que l'instigateur de cette campagne de dénigrement de l'Eglise contre l'UPC n'est personne d'autre que le docteur Louis Paul Ajoulat, médécin français, leader du Bloc Démocratique Camerounais (BDC) parti d'obédience catholique et anti-intépendantiste.

v Le maquis

1.    Um Nyobe face à l’administration coloniale
Suite aux incidents, des mandats d’arrêts sont émis à l’encontre des leaders de l’UPC. Ruben Um Nyobe se replie dans sa région natale autour de Boumnyébel. Les autres leaders du mouvement, le Dr Félix Roland Moumié, Ernest Ouandié, Abel Kingue sont contraints à l’exil. Acculés, traqués, emprisonnés et assassinés, les militants upécistes décident bien que peu préparés voire pas du tout de répondre par la seule arme qui leur reste : la lutte révolutionnaire. Les nationalistes camerounais n’eurent d’autres choix que d’organiser la résistance armée, à l’instar de ce qu’avaient entrepris les Vietnamiens et les Algériens quelques années plus tôt.
Um Nyobe resté au Cameroun, incarne désormais tout seul, l'UPC sur le sol colonial. Les Français qui savent qu'il est le plus populaire et le plus écouté des leaders de l'UPC, lui envoient plusieurs délégations pour le convaincre de sortir du maquis avec ses partisans pour négocier. Mais Um Nyobe demande des garanties politiques, notamment la réhabilitation de son parti, ce que la France ne veut pas.

2.    La loi cadre et les mutations politiques
Le 29 Avril 1956, à travers une loi dite « Loi Cadre », la France définit un nouveau cadre juridique à travers lequel l'évolution de ses colonies d'Afrique est envisagée. Cette loi donne au Cameroun sous administration française, la possibilité d'évoluer par étapes vers l'indépendance alors que l'UPC exige l'unification préalable des deux Cameroun et l'indépendance immédiate. La « loi Cadre » prévoit que le Cameroun deviendra tout de suite un Etat sous tutelle avec un gouvernement à compétence locale et la possibilité d'évoluer à long terme vers un Etat souverain. Des élections doivent mettre en place une Assemblée locale. Le parti majoritaire à l'Assemblée aura la possibilité de former un gouvernement local dont le Premier Ministre sera nommé par le Haut Commissaire de la république française au Cameroun. Afin que lui-même et les siens puissent participer à ces élections, Um Nyobe réclame la levée de l'interdiction de son parti et l'amnistie pour faits et délits politiques commis avant Mai et en Mai 1955. La réhabilitation de l'UPC et l'amnistie sont refusées par les autorités françaises. Um Nyobe ironise alors sur la « loi Cadre » en la traitant de « loi des fers » (allusion faite à M. Gaston Deferre, initiateur de la loi Cadre).
Suite à l’interdiction de l’Upc et ne pouvant pas participer aux élections, Ruben Um Nyobe invite les Camerounais au boycott, en comptant sur l'appui du conseiller de l'Union française Paul Soppo-Priso, qui revendique également l'indépendance. Mais la décision de Soppo-Priso de se présenter aux élections et la pression des militants radicaux conduisent l'UPC à recourir au boycott actif et à la lutte armée pour empêcher le processus électoral. La répression du gouvernement français et du nouveau Haut-commissaire Pierre Messmer est immédiate, ouvrant la voie à une longue guerre au Cameroun.

3.    La traque des « maquisards »
En juillet 1957, Pierre Messmer est nommé par Gaston Defferre haut commissaire du Cameroun en remplacement de Roland Pré. Dans ce que Pierre Messmer qualifie de « négociation de la dernière chance », il charge Monseigneur Thomas Mongo, nouveau vicaire apostolique de Douala de persuader le leader de l’UPC que « la France n’est pas hostile à l’indépendance du Cameroun, et qu’il est temps pour lui, et pour le parti qu’il est seul représenter à l’intérieur du Cameroun, de sortir de la clandestinité pour accepter le verdict des urnes dans les élections à venir ».
Le 1er octobre 1957, Ruben Um Nyobe secrétaire général de l’UPC, Théodore Mayi Matip, président de la JDC (Jeunesse Démocratique Chrétienne), une militante de l’UDEFEC(Union Démocratique des Femmes Camerounaises), Pierre Yem Mback, chef du secrétariat de l’UPC et son adjoint rencontrent Monseigneur Thomas Mongo qui tente de faire jouer la fibre ethnique en parlant de sa : « tristesse de voir la Sanaga Maritime et les Basa’a, notre région, notre ethnie, se sacrifier seule, s’isoler et être abandonnée par le reste du Cameroun ». Um Nyobe réaffirme à Monseigneur Mongo que le conflit fraternel en Sanaga Maritime ne peur être dissocié du problème camerounais qui demeure entier : « la terreur menée dans notre région a pour seul objectif de diaboliser l’action des dirigeants upécistes, parce qu’ils sont Basa’a, alors que le nationalisme est unanime dans le coeur des camerounais et surtout chez les jeunes, et que la lutte pour une vraie indépendance n’est toujours pas gagnée, quoiqu’en disent les autorités qui continuent de dénier ce combat, et s’acharnent sur l’ethnie Basa’a de la Sanaga Maritime seulement pour l’exemple. »



(Les 5 principaux leaders de l’UPC. De gauche à droite au premier plan :Osende Afana, Abel Kingué, Ruben Um Nyobe, Félix Moumié et Ernest Ouandié. Mis à part Kingué, ils seront tous assassinés. Source : lisapoyakama) 

v L’assassinat

1.    Contexte
Après avoir installé un régime pro français et suite aux échecs dans les négociations, l’administration française décida d’éliminer Um Nyobe considéré comme « la tête du monstre ». Pierre Messmer dira : «  j’ai décidé de lui faire la guerre, de l’éliminer ». Il faut noter déjà que le 3 février 1958, Jean Ramadier nouveau haut commissaire a remplace Pierre Messmer.
La campagne intensive que mènent les troupes coloniales contraint Ruben Um Nyobe à se déplacer de refuge en refuge, de maquis en maquis, sans armes et sans véritable protection. Dans une atmosphère de délation et de ralliement à l’administration coloniale le secrétaire général de l’UPC préfère se déplacer avec une équipe réduite pour plus de discrétion. Plus de 1500 soldats dirigés par le colonel Jean Lamberton patrouillent. Marien Ngouabi qui sera président du Congo-Brazza gardera de forts souvenirs de cette campagne du Cameroun.


2.    Le film de l’assassinat
Vendredi 12 Septembre 1958, Um Nyobe ses deux collaborateurs et sa petite famille se perdent dans le maquis. Le lendemain au matin, Um Nyobe attend le contact qui va leur amener dans un autre lieu. En attendant, il discute avec ses collaborateurs, puis Théodore Mayi Matip se retire pour satisfaire un besoin naturel. A peine à t-il tourné le dos que des militaires surgissent de la foret. Les rafales de mitraillettes agressent le calme. Pierre Yem Mback et la belle mère d’Um Nyobe tombent les premiers, le cuisinier s’en suit. La compagne d’Um Nyobe saute dans la végétation avec son bébé (Daniel Um Nyobe). De l’autre coté, Um Nyobe est face aux soldats. Devant les hésitations et face au mythe qui entoure Um Nyobe que l’on dit invincible, le soldat en face de lui prend la fuite. Mais un sous officier Sara du Tchad, décharge sa cartouche sur Um Nyobe qui s’affale. Ruben Um Nyobe est mort. La fusillade n’aura duré qu’un instant. La belle mère d’Um Nyobe qui agonisait est achevée à l’arme blanche.
Seuls la compagne, le fils d’Um Nyobe et Théodore Mayi Matip vont sortir vivants de ce massacre. Théodore Mayi Matip qui au moment de la fusillade n’était pas présent, ayant quitté les lieux juste un petit moment avant le début. Ancien de l’Upc, il va se rallier au parti au pouvoir et deviendra même vice-président de l’assemblée nationale du Cameroun. Ce qui fait penser à son éventuel implication dans cette fusillade. Il aura trahi Um Nyobe. Les dépouilles d’Um Nyobe, de sa belle mère et Pierre Yem Mback sont trainées sur des kilomètres jusqu’au village. Le colonel Lamberton fier de sa prise expose les corps afin que les villageois viennent voir Um Nyobe que l’on pensait invincible. Pour en finir définitivement avec Um Nyobe, son corps sera coulé dans du béton.



(Dépouille de Ruben Um Nyobe. Source : lisapoyakama)



« Un peuple décidé à lutter pour sa liberté et son indépendance est un peuple invincible »

C’est sur cette citation de Ruben Um Nyobe que nous refermons ce 7ème numéro de Grands d’Afrique.



(Statu d’Um Nyobe à Eseka. Source : lisapoyakama)





Bibliographie

Bibliographie
·       Beti Mongo, Main basse sur le Cameroun, Éditions des peuples noirs, 1984. 
·       Donnat Gaston, Afin que nul n’oublie, Itinéraire d’un anticolonialiste, L’Harmattan, 1986.
·       Joseph Richard A., Le mouvement nationaliste au Cameroun, Les origines sociales de l’UPC, Karthala, 1986
·       Mbembe Achille, Naissance du maquis dans le Sud-Cameroun, Éditions Khartala, 1966.
·       Prévitali Stéphane, Je me souviens de Ruben, Éditions Khartala, 1999.
·       Um Nyobe Ruben, Écrits sous maquis, Notes et Introduction de Achille Mbembe, L’Harmattan, 1989.
·       Verschave François-Xavier, La Françafrique, Stock, 1998.




Webographie
·       Vie et œuvre de Ruben Um Nyobe , héros national camerounais , Synthèse de Rudoph Ahanda Mbock
·       Lisapoyakama/Um Nyobe, le père oublie de l’indépendance du Cameroun
·       Foka Alain, archives d’Afrique-Ruben Um Nyobe, RFI, 2014

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